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Sun Ra › Planets of Life or Death, Amiens '73

  • 2015 • Strut STRUT123LP • 1 LP 33 tours
  • 2015 • Strut STRUT123CD • 1 CD

lp/cd • 4 titres • 47:11 min

  • 1Enlightenment2:24
  • 2Love in Outer Space17:08
  • 3Lights on a Sattelite3:53
  • 4Discipline 27-II / What Planet Is This23:46

informations

Concert enregistré à la Maison de la Culture d’Amiens, France, le 21 octobre 1973.

La version vinyle est sortie à 1000 exemplaires le 18 avril 2015, à l’occasion du « disquaire day » (record score day).

line up

Marshall Allen (saxophone alto, flûte, piccolo, percussions), Cheryl Banks (« space ethnic voices », danse), Ronnie Boykins (basse), Danny Davis (saxophone alto, flûte), Akh Tal Ebah (trompette, flugelhorn), John Gilmore (saxophone ténor, batterie, voix), Kwame Hadi (trompette, flugelhorn), Judith Holton (« space ethnic voices », danse), Tommy Hunter (batterie), James Jacson (basson, flûte, percussions), Eloe Omoe (clarinette basse, flûte, percussions), Sun Ra (piano électrique, mini-moog, voix), Danny Thompson (US) (Danny Ray Thompson ; saxophone baryton, flûte, percussions), June Tyson (« space ethnic voices », danse), Alzo Wright (violoncelle, alto, percussions), Ruth Wright (voix, danse), Brother Ahh (cor ; non-confirmé), Odun (percussions), Shahib (percussions), Roger Aralamon Hazoumé (percussions, balafon, danse), Math Samba (percussions, danse)

chronique

Je ne sais pas si on vous l’a dit, il me semble qu’on vous en a déjà un peu touché mot, par ici : Sun Ra, c’est GÉNIAL ! Quand ça s’y met, c’est à dire : souvent. Un peu partout, aussi – au gré des déplacements de la communauté, de l’Arkestra, dans diverses villes des États, selon les périodes, les lofts, les maisons investis. Au fil des concerts ailleurs dans le monde, des pèlerinages et des missions – en Égypte, en Europe… Et puis ça change de forme, de moyens, de modes d’amplification, de techniques d’appréhension du son, de la Vibration – de mutations en configurations qui fait que la substance, au long de cette discographie apparemment sans fin (mais sûrement pas sans fond) ne s’épuise jamais vraiment, que les bandes retrouvées, de loin en loin, qui viennent augmenter encore la somme, ne sonnent finalement que rarement rogatons, documents, pièces réservés aux études de musicologues.

Voici donc un concert de l’Arkestra – enregistré en Picardie en 1973, resté inédit sur disque jusqu’en 2015. La prise de son, la production, sont crues – nettes mais directes, rien d’emballé, d’amorti. L’Arkestra – une vingtaine d’âmes, ici – est dans une forme chorale éblouissante. Sun Ra joue électrique – piano branché et moog – et complètement déchaîné, sur les deux pièces longues. Les timbres impossibles de cette électronique maniée en direct, triturée aux potards, les paramètres travaillés au corps, en plein dans le corps de la musique, de l’orchestration, de l’improvisation, de la composition et de son atmosphère – se mêlent, complètent, exhortent les traits des cuivres, les masses des percussions, modèlent et s’écoulent à la densité du rythme ! les saxophones, trompettes, flûtes, tous les soufflants, déforment eux aussi les timbres, les enrichissent d’harmoniques générés par des positions, des tenues d’anches, sans doute des techniques de souffles (circulaires, concentrés…) – au point que ceux-là et les trouvailles de Ra sur ses claviers se confondent presque, se fondent en une même éloquence. L’agencement du set, le choix des morceaux, est absolument parfait, aussi. Enlightenment en ouverture, chanson nonchalante de pas, avec ce côté doo-wop préservé, ramené de l’époque des premiers envols de Ra, vingt ans plus tôt peu ou prou – cette manière de jingles fantastiques comme savait en composer le type, dé-trivialisés mais plaisants de contours, infusés d’une sorte de mélancolie joyeuse, d’une euphorie sérieuse. Love in Outer Space et ses étendues chaotiques, qui continuent – qui se reçoit, s’entend comme une évidence, dans son charivari intriqué, préparé qu’on était par ladite introduction, tourné vers la dimension où devait s’étendre cette suite. Lights On a Sattelite en presque-interlude – mais chez Ra, rien n’est seulement pour patienter, et prise seule, la composition, avec ses étranges ostinatos dissonants qui se mêlent, se révèle tout aussi singulière que le reste. Tout aussi à sa place, aussi – quand on y retourne ensuite « dans le contexte » – que le reste des pièces ici enregistrées, jouées, dans le temps et l’espace du concert. Puis l’incroyable dernière plage, impro libre et tenue, comme exponentielle, folie magnifique, explosion de joie et de bruits inventés en harmonie neuve, là aussi dans l’instant, et dans « l’éternel » jamais arrêté de cet Espace à quoi Ra, de bout en bout de son œuvre, en musique et en propos, nous convie, nous abjure, nous prévient qu’il est la seule réalité qu’il nous faut embrasser. Avec au bout cette interrogation : What Planet is This? Planète de vie ou, de Vie et de Mort – comme on dit « une question de vie ou de mort ». C’est fervent, urgent – mais on le dit encore : c’est JOYEUX. C’est le Bonheur – l’objet que Ra disait s’être fixé, à quoi tendait, disait-il, toujours, sa musique. La question, ici, est criée – de concert, en question-réponse… – par les membres de l’Arkestra ; certains micros saturent, la réverbération répercute les mots, le signal ; le public, on l’entend (comme on l’entendait déjà au fil des morceaux précédents, de plus en plus enflammé à chaque fois que le volume de la musique permet qu’on puisse en distinguer les réactions) se prend lui aussi à l’enthousiasme, à la poussée de l’orchestre. La musique, c’est audible plus encore qu’ailleurs, se multiplie en voyages polymorphes – Love in Outer Space, jouée dans la foulée de l’un ou l’autre disque, contemporain de ce concert, de Fela Kuti, ou de certains autres orchestres ouest-africains (le Poly-Rythmo de Cotonou, au hasard mais pas tant que ça…), ne ferait pas dissonance, rupture ; pas plus qu’enchaînée derrière, ou annonçant tel ou tel morceau du Paroah Sanders « mystique », lui aussi de cette époque, de l’un ou l’autre « africanisme de toute pièce » de l’Art Ensemble of Chicago, même de certaines pièces d’Albert Ayler (celles tirées des disques en concert, notamment) ; comme toujours, avec eux, on ne soupçonne jamais Sun Ra et ses musiciens, pourtant, d’avoir tenté de se raccrocher à quoi que ce soit ; ça reste autonome, plein, entier en soi, quelques perspectives que ça puisse ouvrir… Ça continue l’Ouvrage – c’est l’un des point où on peut la prendre, sans forcer à la garder dans une chronologie d’écoute hors de quoi elle n’aurait pas de « pertinence » … De toute façon ce n’est pas là « l’Histoire » qu’on entend, ce ne sont pas des preuves musicologiques, qu’on vient trouver. C’est cette espèce d’ivresse lucide – unique et multiples ouvertures (vers d’autres musiques, d’autres états… d’autres questions) – qui là s’écoule, se meut à grands flots, non retenue, non contenue mais jamais erratique, pourtant, submergeante mais pas noyade (au contraire – on y respire étonnamment, fort et ample, dans l’épaisseur de cet élément).

« Le bonheur », il vous disait – on vous le répète, depuis, on y retourne. On ne va pas vous le seriner comme une leçon – on vous signale seulement que cette entrée-ci de la fête, rendue publique (et sans doute pas tant que ça, pas non-plus tant « promue ») sur le tard, n’a rien d’un triste in-memoriam, d’une mauvaise image, mal encadrée, de l’agitation d’alors. Elle nous y convie, au contraire – et ce qu’on y trouve n’a rien d’une copie pâle qui nous ferait seulement regretter (au prétexte qu’on n’était pas né encore, ou d’autres aussi discutables) de n’avoir pu nous rendre au lieu où ça flambait, alors, cette sans-pareil lumière.

note       Publiée le mercredi 9 septembre 2020

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