Therapy? ont toujours ce feu en eux, même quand ils ont la flemme, même quand la flamme est une flammèche. C'est une flammèche tenue en vie à la sueur du front. Par un groupe qui connaît ses limites, et qui a toujours foi en lui. C'est le cas sur cet album concret, plus "terre-à-Therapy?" que Therapyromane, sorti sur un label de marque d'ampli et d'enceintes bloutouffe. Sonnant archi-calibré, paraissant aux premières écoutes ne servir qu'à meubler la discographie, tel un Therapy? de chez Conforama (surenchérir avec un "And'Ikea'irns" serait puéril). Un album posé dans leur œuvre de vieux artisans punks comme... une chaise. Une chaise c'est utile, surtout si on a envie de s'asseoir ; mais ça a l'air un peu con quand même, surtout si on ne peut pas s'asseoir dessus. Quant à la question facile brûlant le pigiste de la Darkness qui vous écrit, coupons court au suspense je vous prie : Cleave est-il un album clivant ? Pas du tout, nan. Plutôt consensuel. Très... Accrocheur. Mais plus comme un mousqueton, que comme un skeud qui va changer la vie. Comme un mousqueton, il faudra donc lui faire confiance. Et il tiendra bon ses trente-trois minutes, ce brave Cleave. Du matériel fiable, c'est tout. Disque dans la suite directe de Disquiet, en moins Therapoppy, en plus Therapylône, dès ce premier morceau énergique, au nom qui claque (Andy est toujours aussi fort pour ça). L'émotion sur Cleave me semble plus tassée, ou en étau, mais elle s'exprime à travers ces mélodies pour lesquelles ils ont ce don - même quand les refrains sonnent plats ou simplistes - ou ces paroles cairnsiennes arrivées au point de plénitude, sobres et éloquentes, qui me causent comme de la variété contrariée. Cleave sonne plus franchement bourrin que le précédent, voire groove-metal sur "Kakistocracy" et ces "It's OK not to be OK" bien lobotomisants. Catchy. Pêchu. Pourquoi pas noisy-indus, mais sans excès... tel est Cleave. Ce qui n'empêche pas le tragique ici ou là : "Save me from the Ordinary" touche tout simplement, comme un bon rock goth sans maquillage, modeste mais hanté, et "Crutch" tape en plein cœur. Dans la ruelle discographique nommée Cleave traîne aussi l'hymne anti-antidépresseurs "Callow", pure resucée "quali" de leurs chansons 90's les plus popunk, et "Expelled", hybride Killing Joke-Jesus Lizard (Killizard ?) relevé par les "R" roulés de ce bougre de Cairns quinqua, cet Andy coiffé comme un radis... Pas mal de Killing Joke dans ce Therapy? d'ailleurs. Ils en ont toujours contenu dans leur sauce, ont vieilli en parallèle au Jaz Band, dans leur gabarit plus raisonnable ; et donc ressemblent aussi ici à un vieux KJ en pas mégalo-fanatique, en plus Korn, un KJ de cagibi, m'en soit témoin "Success is Survival", ou la guitare de la singulièrement contrastée "No Sunshine", ce final sur la dépression, qui de façon laconique en dit l'essentiel, qui est beau sans chercher à faire beau. J'ai juste envie de lui envoyer à mon bon vieux Cairns, qui me donne de la force depuis plus de vingt ans : "Andy, t'as tout dit". Une fois de plus. Ouais... Cleave a peut-être cet aspect un peu trop calibré ou trop carré, mais il a un ou deux trucs à dire. Voire plus. C'est un album honnête, et sincère, comme Therapy?.