Cabaret Voltaire › Mix-Up

Les sous-sols de l'Angleterre des années 70 ressemblaient un peu à l'intérieur d'un volcan : grondants et menaçants. Si le punk en était la cheminée principale, d'autres cônes secondaires se formèrent ici et là, relâchant la pression sociale sous d'étranges formes dont Throbbing Gristle sera l'instigateur principal. Au même moment se faisaient ressentir à Sheffield les premières vibrations électroniques de Cabaret Voltaire, jusqu'alors groupe de performances dadaïstes et improvisées. Tout aussi habitués à se prendre des canettes dans la gueule que le groupe pré-cité, leur son n'a pourtant rien d'une expression de violence. Ici, ce dont il est question, c'est de liberté. La liberté de dire merde, on fait ce qu'on veut à partir de ce qu'on veut, et on va même vous faire danser dessus. Ont-ils entendus le premier Suicide, avant d'enregistrer cette reprise des Seeds, 'No Escape', sur deux notes de synthétiseur ? Un pied dans les improvisations électroniques (cf. Le coffret Methodology 74/78) et l'autre dans l'attitude punk, c'est un peu malgré eux qu'ils se retrouvent catégorisé "musique industrielle" car la politique prend ici une place mineure. Ou plutôt, elle n'est pas un sujet mais un mur qu'ils enjambent pour mieux vaquer à leurs obsessions sonores. On la retrouve bien entendu dans les paroles, mais déjà amenuisée par des rythmiques dubby, funky, qui tiennent autant de Public Image Limited que du krautrock. Et tout cela, en effet, avec un minimalisme sonore lancinant qui renvoie pourtant aux 20 Jazz Funk Greats, sorti la même année, mais en moins grisonnant. Même sous leur titre le plus sinistre, 'Photophobia' (qui renvoie bien la balle à 'Hamburger Lady' en terme de glauque), se terre une basse prête à en découdre avec le groove alors que les synthés vomissent drones sur drones sur des décharges électroniques virevoltantes et bip-bips harrassants. 'I feel emotionless' nous dit-on encore dès le premier titre, abrasif et brutal mais entraînant au possible. La basse, je vous dis : c'est par elle qu'ils trahissent leurs intentions de faire bouger les masses. C'est d'ailleurs avec Cabaret Voltaire que commence la véritable scène électronique de Sheffield qui se familiarisera vite avec les notions de machines, de liberté et de rythme et cessera d'envoyer des canettes pour commencer à envahir le dance-floor où le groupe laissera son inventivité s'y développer pleinement.