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The Young Gods › Data Mirage Tangram

cd • 7 titres • 53:28 min

  • 1Entre en Matière7:11
  • 2Tear Up the Red Sky7:28
  • 3Figure Sans Nom6:08
  • 4Moon Above6:01
  • 5All My Skin Standing11:10
  • 6You Gave Me a Name7:57
  • 7Everythem7:31

informations

Enregistré à la Fondation l’Abri, Genève. Batterie enregistrée par Bertrand Siffert et David Weber. Mixé au studio Assault & Battery 1 par Alan Moulder, assisté de Tom Herbert. Masterisé par Giovanni Versari à la Maestà. Produit par Franz Treichler et Bertrand Siffert.

Artwork : René Walker. Photos : MashimaraPhoto, Shutterstock, Charlotte Walker.

line up

Cesare Pizzi (électronique), Franz Treichler (voix, électronique, guitare, harmonica), Bernard Trontin (batterie, percussions)

Musiciens additionnels : Richie Hawtin (musique sur All My Skin Standing), Andreas Tilliander (musique sur Figure Sans Nom), Thomas Brinkman (musique sur All My Skin Standing), Aleksi Perälä (musique sur You Gave Me a Name)

chronique

J’ai toujours soupçonné qu’il y avait malentendu partiel, sur les Young Gods : à les considérer comme un groupe « indus », même « rock industriel ». Bien sûr, les premiers albums prenaient aux machines, comme d’autres sidérurgistes amplifiés, cette puissance de fracas et de défiguration, de reconfiguration, cette force de dissonance et de propulsion – à faire de l’une le moteur de l’autre, du choc une pulsation. Mais… Les Young Gods, pour moi, ont toujours été un groupe de musique « élémentale », avant tout. Immergé dans le bruit des villes, des civilisations, oui – le grondement de leurs ascensions et effondrements, affrontements et ronronnements de leur régimes... mais voilà : dans ce boucan, ceux-là, me suis-je dit tout de suite, sachant s'y mouvoir – dans les mécaniques, entre les bâtiments – comme dans un autre biotope, milieu naturel parce qu’humains urbains, nés et grandis là-dedans – avec tous les échanges et conflits, réactions, luttes que ça implique. Surtout, contrairement à d’autres – à la quasi-totalité de ceux, justement, des musiques dites industrielles : il m’a toujours semblé qu’eux s’en nourrissaient, de ce milieu, « naturel et altéré », donc ; s’y plaçaient et déplaçaient avec autant de joie que possible, entre les moments de tension … Tout ça étant, in fine, mouvement de vie, de cette vie-là, dans ces places là. La ville, parlons-en : elle est toujours personnifiée, chez eux, incarnée ; corps parcouru de flux – réels, organiques, comme dans l’Eau Rouge ; « leur » parce que des leurs, parce qu’eux sont d’elles (ô ville nôtre… sur l’Eau Rouge, encore) ; la rue, phénomène climatique en ses circulations… elle « s’étend dans [les] paupières », ici, elle-même fluide, courant, impulsion… matière-chair, substance de ceux dont elle est l’habitat (Entre en Matière). Refuge autant que Vortex…

D’où, pour moi, que je n’ai jamais entendu leur Music for Artificial Clouds – album d’allure « ambient », construit à partir d’enregistrement de terrain, pris en forêt amazonienne si je ne me trompe – comme « complètement autre chose ». Une autre facette, seulement – une autre consistance, forme, plutôt, un autre plan d’existence, d’expression du cœur de leur musique, de leur mouvement, de leur chimie.

D’où cette autre mutation, avant, cet autre possible – lorsque leur musique avait assimilées les structures moléculaires, le code génétique d’un certain rock psychédélique, sur le très trippé T.V. Sky, tout brûlé de soleils californiens dans leur Suisse aux connexions multiples ; album gorgé d’orgues Doors, Electric Prunes, Seeds, de boogie-gazoline, paré de fleurs de peau aux reflets d’alliages brunis ou étincelants.

D’où sans doute cette pochette, là – arc en ciel hydrocarbure, tache sur le goudron qui a l’air de dessiner la carte d’une autre jungle, d’autres vallons, monts, monticules.

D’où cet album extrêmement vivant, vivace, plus de trente ans après leurs débuts. Vivant parce que se mouvant encore dans le Vivant – dans ce fameux milieu. Pas figé mais familier – Franz Treichler parle ici beaucoup de « rentrer à la maison », qu’on lui garde ici la place chaude, propre, accueillante. Il le chante – en français comme au début, en anglais comme ensuite. En textes rendus, à mon sens, à leur évidence comme à leur étrangeté – ce que je n’entendais plus, de mon point du monde, sur le précédent disque, Everybody Knows, cette fausse maladresse, la poésie « brute » (terme approchant, imparfait – on pourrait dire aussi « naïve », si le mot ne portait pas en lui le risque, le soupçon théorique facile « qu’on ne sait pas ce qu’on dit » : or, Franz Treichler, je crois, a toujours su ce qu’il disait, a dû toujours y croire sans se plier à ce qu’en dirait l’exégèse ; s’est toujours laissé porter par le sens comme par la sonorité, en toute conscience, autant qu’il les portait lui-même, sans s’en faire des axiomes…). Des chansons, ici, c’en sont pour de bon – mais là encore : changées de l’intérieur, dans la matière du son, tissages et liaisons atomiques, électroniques. La guitare désormais jouée aussi par Franz, comme l’harmonica, en une occurrence au moins – et plus seulement samplée, comme ce fût longtemps le cas, chez eux. (Mais chez eux : sampler Hendrix, c’était jouer du Hendrix en tant qu'instrument – idem pour Stravinski, pour tout ce qui passait par cet organisme, corps, encore, banques de sons tels quels ou modifiés, pads, claviers, potentiomètres). Du rock, il y en a sans doute, là-dedans – aussi littéral et aussi « autre » que toujours. Pas « transcendé » – les Young Gods, j’insiste, ça jaillit depuis toujours, ça secoue et plane en pleine immanence – mais transformé. Aimé mais pas singé. Milieu, lui aussi – biotope, disions-nous. Des invités passent, se logent – qu’on dit techno, drone, ce qu’on voudra (Richie Hawtin alias Plastikman, entre autres ; d’autres moins connus et davantage scandinaves). Ce sont de vrais rencontres – pas de simples « featurings ». Et charges autrement pondérées ou pas, alors : on reste dans cette cohérence rare – et non fermée, PARCE QUE non verrouillée, pas plus qu’explicitée – de l’album. Rien ne fait rapporté. Le son est incroyablement… Présent. Subtil, détaillé, autant que physique, à même l’espace. Projeté bien au-delà des deux dimensions de l’image (stéréo comme visuelle) à quoi devrait pourtant le « condamner » le support, la fixation. C’est que… « L’élémental », je me répète, la musique-organisme et environnement : la musique comme signal, faisceau, complexe de signaux qui plongent dans les textures, les volumes, en instillent les chiffres et les figures, en passent les sensations. Data Mirage Tangram – les données ; l’hallucination, la vision, les visions qu’elles nourrissent ; le puzzle, l’énigme au contour du simple carré, qui se met à apprendre les contours multiples des mondes, des êtres, des bêtes et des architectures… Encore une survenue de magie pragmatique – dupe d’aucun charlatanisme new-age (car le monde, encore une fois – ne peut pas être sans douleurs, duretés, résistances, dangers à dépasser, contourner, affronter ou fuir) mais pas plus enfermée dans une optique à découpe trop géométrique, fonctionnelle… D’une science – on y revient – industrielle, appliquée au rangement, au classement, dictant les marches au pas.

A la place : elle danse une figure sans nom. La lune qui éclaircit, autour, au-dessus, au travers ; le nom approprié, connu, tu aux oreilles qui ne sauraient bien l’entendre (ou dit avec trop de franchise pour qu’elles puissent s’en saisir). Elle, ils, nous pouvons y « chiller », aussi, dans ce disque. Il est accueillant et pas lénifiant. Il est lumineux et plein de détails, d’angles enfouis, cachés, qu’on ne verra que dans certains états. (Je ne parle pas là forcément psychotropes, qu’on me comprenne : il peut s’agir aussi d’une fatigue qui détend, fait tomber la garde, d’un moment furtif ou durable de bonheur ou de questionnement qui fait qu’on verra l’interstice… qu’importe la circonstance, au fond : simplement de cette disponibilité qu’il infuse et insuffle, en cherchant, lui, l’ouverture). On peut s’y prendre derviche, nous aussi, à nos tours. On peut l’emmener, en sortant, posé sur les épaules ou logé en son sein – oui, lui en le nôtre (et vous situez ça où vous voulez, hein), nous en le sien. C’est un moment autonome et réciproque. Vous n’attendiez pas ça d’eux ? Vous courriez, à leurs basques, au contraire après ça ? Eh bien voilà : c’est arrivé, à la place, parce qu’on, parce qu’ils, parce que ça y était.

note       Publiée le vendredi 17 juillet 2020

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo  Dioneo est en ligne !
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Oui, plus "directement" rock ça l'est par certains aspects - tout simplement parce que les guitares n'y sont pas que samplées mais aussi jouées, déjà, parce que le son général tend plus vers ça que sur des disques plus anciens (quoique pour moi TV Sky par exemple a quelque chose de très directement rock psyché, même si ça en duplique avantage l'ADN que la forme, à part sur un truc aussi évident que Gazoline Man avec son côté boogie-La Grange...). Et je comprends que ça puisse moins toucher mais sur celui-là, pour moi, ça prend complètement - les interventions des invités apportent autre chose, sans rien "dénaturer" vu qu'elles sont fondues dans la musique des YG, et ils ont de toute façon toujours une manière particulière (et qui varie selon les disques) d'aborder la chose. Pour moi c'est sur le précédent que ça ne "marchait pas", ou ne marche pas d'ailleurs, les réécoutes n'avaient pas trop changée mon impression... Mais voilà, c'est tout perso et comme tu dis, j'ai aucun souci à entendre qu'il soit aussi "de bonne tenue", cet Everybdy Knows, juste beaucoup moins à mon goût.

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Tallis Envoyez un message privé àTallis

Moins fan des ambiances sur celui-ci, décidément (presque trop directement "rock" pour moi peut-être), mais ça reste objectivement un album de belle tenue.

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born to gulo Envoyez un message privé àborn to gulo  born to gulo est en ligne !

Encore un disque qui ne devrait passer que Le Souâr, et en fait glisse tout seul par grand soleil.

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born to gulo Envoyez un message privé àborn to gulo  born to gulo est en ligne !

Ah, voilà : enfin le rien du tout indéfinissable qui me bloquait avec celui-ci saute. Quel régal.

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo  Dioneo est en ligne !
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Post-rock... Pourquoi pas mais alors dans un sens "idéal", je dirais, celui d'un "le rock est passé par là". (Sinon je cherchais une connerie avec "gruyère" mais en fait non).

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