Godflesh › Purge

Les amis, je me suis fais une frayeur pas piquée des vers, celle que tout mélomane craint comme la peste : pensez donc, j’ai failli prendre le nouveau Godflesh pour leur come back album, celui qui proclamait le monde illuminé par le feu là… La faute à la triplette de morceaux qui ouvre ce Purge (titre très fleshien s’il en est) et annonce un retour à la mécanique sans saveur (des boulons partout, mais pas de cambouis). N’oublions pas l’espèce de "buzz" (je ne sais comment qualifier cela autrement) autour du titre de l'album et sa relation avec l’indétrônable "Pure", comme un effet de miroir et de réflexion sur le passé du groupe. Je ne saurais vous dire s’il s’agit d’un réel aveu de Justin Broadrick ou un fantasme de la presse musicale, reste qu’en forçant le trait on peut éventuellement tenter une superposition entre ces trois premiers titres et ceux de Pure. Mais à vrai dire, on s’en cogne. Le sujet est que j’ai bien failli considérer ce nouvel opus comme manquant sévèrement de chair et d’âme. Après un Post Self sublime, total et presque "testament", difficile de ne pas se sentir quelque peu mystifié avec l’amorce de ce Purge forcément attendu au tournant. Ajoutons à cela une production sèche et brute rappelant quelque peu l’album mal aimé du retour (non mais Justin, c’est quoi cette basse chétive, mixée au niveau de la drum machine ? un comble !) et l’introduction est plutôt bancale… Alors quoi, c’est tout ? On en reste là, la sentence tombe, tel un couperet rouillé d’une guillotine populaire sur le cou immaculé ? Fort heureusement non, "Lazarus Leper" redresse la barre, faisant écho au peu connu mais néanmoins indispensable Messiah avec sa cohorte de leitmotivs typiques du duo Anglais. C’est avec l’extraordinaire "Permission" que les affaires sérieuses reprennent, rappelant le précédent album mâtiné de Us & Them pour un résultat drum’n’ bass indus dévastateur. Avec "The Father" c’est le spectre de Selfless qui est convoqué, aérien et heavy, chant angélique caractéristique d’un Broadrick inspiré et habité. Enfin, "Mythology of Self" et "You are the Judge, Jury and the Excutioner" rappellent que l’émotion chez Godflesh est le combustible de cette fournaise intense qui irradie et palpite tel un dieu incarné ; le premier, écho au tout premier album passé à la moulinette Post Self, le second synthèse de l’impulsion créatrice de ce projet décidément à nul autre comparable. Purge lui-même se délivre telle une synthèse de la carrière du duo, avec ses hauts et ses bas. Un chapitre de l’aventure Godflesh qui démontre l’incroyable résilience des Anglais après 35 ans d’existence, heureusement émaillé d’éclats de sublime lumière, mais entaché par une production presque sourde à la basse si vitale de Ben Green et une partie liminaire à rendre perplexe, situation inadmissible vous en conviendrez pour un album de Godflesh.