Jerry Cantrell › Boggy depot

Ça fait un moment que la chronique de ce premier disque solo du guitariste d'Alice in Chains me chatouille. Il est temps que je me lance... En douze titres, "Boggy Depot" résume parfaitement tout ce qu'il y a lieu d'attendre de Jerry Cantrell. Si Alice in Chains devait être décrit comme une oeuvre picturale, Layne Staley en serait sa lumière (blafarde), Cantrell sa matière. Et matière il y a. Mais pas nécessairement à se réjouir. Sans surprises, les titres qui nous agrippent le plus vite sont ceux qui ont cette patte Alice in Chains, ce mélange de noirceur et de fatalité dont il semble difficile de pouvoir se dépêtrer. Et des titres comme ça, sur "Boggy Depot", il y en a ... un ! "My Song". Exception faite de Staley, le groupe est pourtant au complet ; Sean Kinney assurant son rôle de batteur sur tout l'album pendant que le bassiste Mike Inez doit partager son poste avec des musiciens d'horizons aussi divers que Rex Brown (Pantera), Norwood Fisher (Fishbone) et Les Claypool (Primus). Comme souvent dans ce genre d'entreprise, la spécificité de ces redoutables requins passe pour ainsi dire quasi inaperçue. Dans un effort évident de diversification, Cantrell aligne des titres plus introspectifs (trop peut-être), dominés tantôt par le piano, parfois très légerement surligné de cuivres, mais la sauce ne prend pas. Jamais. Rarement. Cantrell semble bel et bien avoir les pieds solidement enfoncés dans la vase et ne parvient pas à s'en extraire. Comment s'y prendre ? Les thèmes exposés ont de plus tendance à tirer en longueur, comme si le guitariste ignorait encore quelle direction choisir, quelle impulsion donner. Et où sont passés les phrasés sinueux et habités de sa six cordes ? Même le minimum garanti est passé à la trappe dirait-on. Très carré, très maîtrisé, le premier album solo de Jerry Cantrell manque tout simplement d'âme. Et si "Boggy Depot" est un disque sincère et honnête, il pêche tout de même cruellement par la faiblesse de ses mélodies pas suffisamment accrocheuses ou de ses riffs de guitare pas assez saignants, passages obligés pour qui désire laisser des marques indélébiles, ou du moins inciter l'auditeur distrait à venir s'y réfugier de temps à autres.