Les naufrages, l’évolution des esprits dans les abysses… Apparemment des thèmes qui m’auront conduit à l’univers de Nurse with Wound puisque j’avais été intrigué jusqu’à l’obsession par son ‘Salt Marie Céleste’ véritable mise en scène sonore d’un navire sombrant dans la houle. Dans ce volume 2 de ‘Radio Naufrage’ (j’ai pas écouté le 1, inutile de poser la question), ce sont les Iles Lofoten (archipel au nord de la Norvège) qui sont à l’honneur. Partant apparemment d’émissions radio de la région, Steven Stapleton et Colin Potter vont en modeler un univers étrange, sous-marin, chaque pièce (définie par une date) débutant par une sorte d’annonce du type ‘Bienvenue à Utvær,’ ou un simple ‘bip’ aigu avant que la musique ne démarre vraiment. Nos Anglais tissent des nappes sombres, s’étirant en mouvements, évoluant en vagues, lesquelles évoquent efficacement des plongées sous-marines dans un univers opaque, pas spécialement rassurant, s’enrichissant de bruits, comme des éléments métalliques en train de choir ou comme une épave malmenée lentement au gré des mouvements de la houle. Comme bien souvent avec nos excentrique Britons, il faut prendre son temps, chaque composition avoisinant le quart d’heure mais l’effet (notamment écouté au casque) en vaut la chandelle. Ces nappes dégagent une amplitude prenante dans laquelle chaque micro-son se perd, se multiplie, se noie dans un écho, laissant l’auditeur(trice) ressentir un profond sentiment de solitude ni effrayant ni apaisant, une sorte de zone neutre, froide, à la luminosité rare, un cocon sensoriel hors du monde, lequel ne nous parvient fugacement qu’au travers de quelques bruits naturels (chants de mouettes, crissement de chaînes…). Même sans avoir visité ces îles, il devient possible de s’y rendre en imagination, d’en ressentir des impressions salées, froides, de visualiser la glace, la roche, d’imaginer les ombres des épaves et de fantasmer sur les spectres des marins ayant péri. Le seul titre rompant cette cohérence probablement anxiogène pour les plus sensibles est l’étonnant ‘June 19’ plutôt détonant et un peu hors de propos selon moi (rythmes dub à la Scorn, sonorités industrielles, c’est limite dansant). Symbole de l’humour particulier du projet ? Peut-être. Pas inintéressant mais il rompt l’opacité fraîche de cet univers arctique et marin crée avec une redoutable efficacité. Même celles et ceux allergiques aux collages dadaïstes du projet pourraient apprécier et effectivement à mon sens, c’est dans ces manipulations dark ambient que Nurse with Wound se montrent les plus saisissants.