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Spacemen 3 › The Perfect Prescription

lp/cd • 9 titres • 45:58 min

  • 1Take Me to the Other Side4:28
  • 2Walkin’ with Jesus3:43
  • 3Ode to Street Hassle4:01
  • 4Ecstasy Symphony1:54
  • 5Transparent Radiation (Flashback)9:03 [reprise de Red Krayola]
  • 6Feel So Good5:16
  • 7Thing’ll Never Be the Same6:05
  • 8Come Down Easy6:46
  • 9Call the Doctor3:52

informations

Enregistré par Graham Walker au studio VHF, Rugby.

La réédition CD Taang ! Records de 1996 contient en bonus les morceaux Soul 1, That’s Just Fine, Starship (reprise de Sun Ra/MC5) et Live Intro Theme (Xtacy).

line up

Bassman (basse), Alex Green (saxophone), Owen John (violon), Jason Pierce (guitare, farfisa, voix), Sonic Boom (guitare, trémolo, orgue, voix), Rosco (percussions), Mick Manning (trompette)

chronique

Sortis des brumes du « son de la confusion » – titre du précédent (et premier) album, paru l’année d’avant – Spacemen 3, curieusement, semblent échapper par miracle à l’effet descente/gueule de bois… Le secret ? Eh bien : remettre ça autrement, s’attaquer à coup d’autre chose, affiner les dosages… « La parfaite ordonnance », clament-ils cette fois – l’équilibre chimique idéal, qui tient le sujet en flottaison, les risques de nausées, vertiges, crises (temporairement ?) hors-sujet, hors de portée. Bon… On se doute bien que le « docteur » qui a signé le papelard, doit être d’un genre un peu spécial, pas trop regardant sur l’éthique du moment qu’on allonge le cash. (Pas de chèque, que du liquide… Transaction sans trace. Discret, pratique, sans danger de fâcheux retour si jamais des on-dit filtraient… « Mais n’hésitez pas à me recommander vos amis, jeunes gens, je suis pour le bien-être du peuple, et puis pour l’hédonisme, allez… Il faut bien s’amuser, à vos âges »).

The Perfect Prescription est étrangement serein, lumineux – à le comparer à son prédécesseur. Ses lignes nettes, les formes découpées. Sans batterie, l’élément percussif en tout cas plutôt discret, presque tout au long, passé le Take Me to the Other Side d’ouverture – rock à la coupe impeccable, aux lignes tranchantes, d’essence nerveuse mais joué à la coule, une sorte de cool (ça veut dire « froid » aussi, on se rappellera – « frais » au sens thermique du terme). Enrichi, en revanche, d'arrangements : violon, trompette, saxophone, orgue… Des guitares acoustiques, aussi, ou branchées mais en son clair, delay et autres reverb réglés au petit poil. Une seule reprise, cette fois – de Red Krayola (Transparent Radiation), au lieu des Stooges et autres 13th Floor Elevator. L’Esprit du Passé (celui précisément délimité, d’entre 1966 et 1970 – peut-être qu’eux auraient pu vous préciser ça au mois, à la semaine près…) pourtant pas oublié, certes encore invoqué ! Cette fois franchement bloqué sur une seule figure tutélaire, on dirait bien – le Velvet, comme de juste ; celui de White Light/White Heat ET celui de l’album au canapé ; simultanément, oui… Et là-dedans, évidemment : Loulou (Reed), sans doute, avant les autres. (Il y a même une « Ode à Street Hassle » – 1978 tiens, ce disque-là de Reed, ça fait une exception, dans leur fixation… On va dire que ça reste un écho du même fétichisme). Et pourtant… Et pourtant voilà : j’ai beau tomber globalement d’accord avec Simon Reynolds – l’écrivain, essayiste, critique musical – quand il souligne, dans son Retromania* le caractère revivaliste, conservateur (au sens musée), « curateur » du groupe, d’autres de cette « scène » (The Jesus and Mary Chain, en premier)… Je ne pense pas, comme lui semble le faire, que ces gens n’aient été que des embaumeurs. Je ne sens rien qui soit trop prudemment impersonnel, copie sage et conforme, dans leurs travaux. D’accord : la modernité qu’ils embrassent – technologique (les effets), « littéraire » (ce dont ça parle et comment : l’ennui, la drogue, la dérive, la lose et la fierté d’en être, plutôt qu’au turbin, mariés et le nombre d’enfant requis…) – serait plutôt celle de leurs modèles, de leurs héros de vingt ans avants que celle de leur décennie (pas de synthés mais un orgue farfisa, pas de tissus synthétiques mais de la fringue vintage et des coupes de cheveux « Warhol Factroy 1968 » sur les photos..). Pour autant, je crois, j’entends qu’ils portent tout-ça ailleurs. Et là, sur ce disque : à un détachement qui leur est propre, qui ne fait plat reflet d’aucune légende passée. Oui – comme le souligne aussi Reynolds – les termes choisis, le point de vue, ne semblent jamais vraiment « individualisés », ne nomment jamais d’émotion, de sentiment, seulement des sensations, des états d’esprit et de perception (fussent-ils « limite »). Mais justement : il me semble que c’est ça, le point de vue, précisément, le parti-pris… L’angle de vision. (La vision ?).

Et là, donc, sur ce deuxième album, Kember (Sonic Boom) et Pierce (Jason) – et leurs assistants – raffinent cette approche, ce propos, l’énoncent d’une voix exceptionnellement claire, précise, multiplient les détails de l'histoire contée. Celle d’un trip et de ses phases – Pierce et Kember ont toujours fait preuve sur ce chapitre d’une non-ambigüité qui confine à la pure candeur – raconté dans toutes ses phases. Versant médicamenteux et mélangé, sans doute – si on se réfère au titre, à la limpidité-amphétamine du flash déjà cité (Take Me), à l’euphorie « planée » du reste, en suspension mais jamais hallucinée, couleur coton plutôt que psychotropes… Même la descente et le moment où, apparemment, ça pourrait bien tourner mal (Call the Doctor…) sont racontés avec ce calme olympien du ton, cette lucidité qui ne sait pas s’affoler. Tout semble doux – et frais, éternellement, encore une fois. Les surfaces de tout, du monde – l’inorganique, ici, ne paraît pas plus mort que le reste, que les êtres ; et moins compliqué – caressent au passage, au contact, douces comme du latex, les bois subtilement vernis des manches et des tables des instruments électriques, franches et satinées comme l’inox des clés, des micros et des caches, des mécaniques… L’ataraxie embrasse la fluidité, les flots se confondent – hormones, pensées, plaisir, vague conscience qu’autour, d’autres s’agitent… La mer de la tranquillité est un flot, une rivière circulaire. Kember et Pierce, ici, composent (à l’exception, comme déjà dit, de Transparent Radiation) une face chacun du disque, mais on ne sent pas encore de coupure, la tension de deux égos qui scindent le disque en camps respectifs A/B, retranchés, comme sur d’autres disques, plus tard. Ils ont pris, cette fois, le temps d’écrire, d’affiner – là où The Sound Confusion sonnait comme une jam pressée (l’album avait d’ailleurs été enregistré en seulement cinq jours, et manifestement produit dans le même « rush »). Ici, Spacemen 3 semblent encore – plus que jamais avant, après – une entité pleine, unie ; une sorte de « corps sans organes » mais à la pulsation étrangement harmonieuse, pourtant, sans effusion mais certainement pas déserté par son esprit, son rythme, sa substance singulière. C’est un disque qui file, aussi – en dépit, en faisant une ruse de cette impression première de bouffée lâchée où rien ne bouge. On passe l’écran (… the other side… décidément) et voilà : on saisit tout de suite, et parfaitement, les formes qui se meuvent, on entend par leurs bouches s’écouler le flot des consciences rendues neutres à elles-mêmes).

Mais minute : redescente ! « Pas déjà », se récrient-elles, s’interrogent-ils toujours indolents mais soudain sourdement contrariés… « Anticipons, avant que ça merde vraiment » ! Et d’appeler, disait-on, concluent-ils, le toubib… « Call the Doctor ». Et si, plutôt que par crainte de l’overdose, c’était tout simplement pour la renouveler, la fameuse « prescription ». Afin de n’avoir plus, jamais, à se coltiner de plates réalités, autres que celle « altérée » ?

(*Simon Reynolds : Retromania : Pop Culture's Addiction to Its Own Past, 2011 ; Retromania : Comment la culture pop recycle son passé pour s’inventer un futur, Le Mot et le Reste, 2012, pour l’édition française)

note       Publiée le lundi 15 février 2021

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    Sartoris Envoyez un message privé àSartoris

    En lisant un article d'un quotidien belge sur l'évolution du paysage musico-commercial (Trop de musique nuit-il à la musique), j'étais étonné d'apprendre que l'immense majorité de la musique écoutée en streaming provenait de back-catalogue (au sens "chanson ou morceaux publiés depuis plus de 18 mois). La profusion apportée par la technologie modifie encore la consommation, avec peut-être un plus grand intérêt pour ce qui date que pour ce qui est actuel et qui reprend les codes de ce qui date. Et, tadaaam, Simon Reynolds discute de ces questions évidemment (allez lire ceci sur le site du Guardian : Streaming has killed the mainstream

    Et sinon, Spacemen 3, j'en mange régulièrement depuis 25 ans, sans effet secondaire. Et vous pouvez chercher, des mêmes Spacemen 3, Forged Prescription. C'est une version moins "velvet" de l'album, avec une production plus riche, plus ample, moins lo-fi et qui montre l'orientation que prendront leurs travaux futurs. La raison invoquée pour ne pas avoir sorti ces versions sur l'album serait qu'en live, ça aurait été trop compliqué de répliquer la profondeur et l'ambiance plus flottante de ces versions.

    Message édité le 23-01-2023 à 11:09 par Sartoris

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
    avatar

    J'en mange aussi toujours, et sans honte post-reynoldisienne... Intéressant, le point que tu soulèves - même si ceci-dit, ça n'enlève pas le côté "conservateurs de musée" plutôt que "réinventeurs à partir de matières anciennes" dont cause Reynolds à propos de certains groupes/certaines scènes.

    Bon, je trouve que pour Spacemen 3 son analyse ne tient pas trop (ni pour the Jesus and Mary Chain par exemple, entre autres), en tout cas, je n'arrive pas à considérer que quand il parle de ces groupes à leur époque, reprenant l'imagerie et/ou l'approche de certains groupes sixties, et des reformations des mêmes (ou de leurs modèles) se lançant plus tard dans des tournées/carton en mode "X rejouent leur album Y (à la note près et dans l'ordre), ça dise exactement la même chose, ça puisse se lire exactement pareil.

    Mais sinon oui : Bach ou les Stones (avec le vieux blues), le British Boom Blues, et d'une tout autre manière les chansons trad/folk - mélodies et textes pas toujours appariés pareils, et incluant nombre de mutations au fil des voyages - ça remonte de bien avant les groupes 80s/90s obsédés par le Velvet/les Stooges etc. et qui reprenaient ça, parfois en dupliquant des bouts tels quels mais en changeant tellement "l'environnement" que ça devenait un peu ou complètement autre chose.

    En fait, comme disait je crois Dariev plus haut, le bouquin de Reynolds est plus intéressant dans sa partie sur les musiques hantologiques/hypnagogiques que dans les chapitres "nous avec le post-punk on faisait table rase et ensuite la techno ça a été idem, alors du coup ces jeunes qui faisaient du vieux avec leurs instruments flambants-neufs, ça nous a pas causé", je trouve. (Sachant aussi que le Simon n'exclut pas du tout l'hypothèse que quelque chose là-dedans le dépassait peut-être aussi parce que lui-même ne l'était plus tant que ça, jeune, et que tout simplement il commençait peut-être à devenir blasé, lui, et que ça faussait possiblement sa perception de ce que faisaient ces groupes).

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    Sartoris Envoyez un message privé àSartoris

    En écoutant distraitement une radio d'un service public, j'entendais un musicologue expliquer les variations goldberg et comment Bach y avait repris, digéré, formalisé et transformé divers styles du passé (le sien, donc il y a bien longtemps). Qu'à l'époque, reprendre des parties de partitions anciennes étaient acceptées et que ça ne faisait pas critique. Depuis, je considère ce que dit Simon Reynolds dans Retromania d'un autre oeil. Il ne s'agirait peut-être que d'un nouvel avatar d'un mécanisme ancien de la musique, plus visible et sensible à cause de l'émergence des droits d'auteur et de la starification médiatique. Donc, j'EN MANGE plein avec toujours autant de plaisir (moins coupable).

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
    avatar

    Bah je le dis dans la chro... Et j'hésite - justement parce que je ne veux pas appuyer le côté "archiviste" du groupe, que je trouve en effet tout relatif parce que oui, c'est évident pour moi aussi qu'ils font partie de ceux qu'on ne pourrait pas franchement confondre avec leurs modèles - à le préciser dans les tracklists ("les" parce que si je faisait ça, ce serait logique aussi de détailler les titres/reprises dans la tracklist de Sound of Confusion... Bref, en vrai je ne trouve pas ça si important. En revanche je l'ajoute direct en reco, le Crayon Rouge, en précisant que ouais, pas du tout pareille, la version).

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    dariev stands Envoyez un message privé àdariev stands
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    Bon, mais cela dit je suis assez d'accord avec Simon Reynolds, et avec une grande partie des thèses de Rétromania (l'histoire récente ne fait que lui donner raison). C'est juste que Spacemen 3 et Jesus & Mary Chain sont presque l'exception qui confirme la règle dans le monde (désormais très très vaste) des groupes revivalistes des 60's. Ce sont, avec peut-être Kramer et quelques iconoclastes, ceux qui s'écartent le plus de leurs "modèles". Et à l'époque, faut il le préciser, c'était tout sauf cool d'être bloqué sur les 60's versant "loser" (et non pas les Byrds, redécouverts dès la fin 70's). Au passage, tu pourrais rajouter dans la tracklist que Transparent Radiation est une reprise de Red Crayola (méconnaissable, hein ?).

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