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The Modern Lovers › The modern lovers

lp • 9 titres • 34:51 min

  • 1Roadrunner
  • 2Astral Plane
  • 3Old World
  • 4Pablo Picasso
  • 5She Cracked
  • 6Hospital
  • 7Someone I Care About
  • 8Girl Friend
  • 9Modern World

informations

1971-72 - Produit par John Cale sauf Girlfriend et Modern World, produits par Alan Mason et Robert Appere.

line up

Ernie Brooks (basse, backing vocals), Jerry Harrison (piano, orgue Farfisa, chœurs), Jonathan Richman (chant, guitare), David Robinson (batterie, backing vocals)

chronique

Discuter du Velvet Underground, c’est chiant. Il faut se fader toutes les banalités sur la drogue, la sacro-sainte banane phallique, Andy Warhol, les mondanités de sa factory, le SM, la dureté new-yorkaise, la perversion, Andy Warhol, Nico, les influences minimalistes, et, oh, vous-ai-je dit qu’ils étaient sous l’égide d’An-dy War-hol ? Le pape du pop art ! Des conneries pour écoles d’arts, en somme. Non, pour parler vraiment du Velvet, entre fans du Velvet dirai-je pour caricaturer un peu plus, il faut chroniquer le premier Modern Lovers. Dehors seringues, fouets, veaux, vaches cochons. Richman n’attend pas son dealer d’héro. Il n’attend personne. Vous voulez qu’on plante le décor ? Piste 2 : “tonight i’m all alone in my room”, balbutie-t-il à grand peine. Il a l’air d’avoir 14 ans, tout au plus. Son Astral Plane n’est pas si loin du très naïf (et certainement pas faussement naïf) Starman de Bowie, mais il n’y a ni platform boots ni paillettes glam pour expliciter le propos. Tout est dans sa tête, et c’est comme si il ne comprenait pas qu’on n’y soit pas avec lui. ‘Share the modern world with me’ sont les dernières paroles du disque. Mais le monde moderne n’a pas envie d’être partagé, et c’est peut-être ce qu’il ne sait pas encore à l’époque. Musicalement, ce premier opus est un excellent disque de rock’n’roll, pur et dur (sans tout l’attirail d’épate qui va avec, vous l’aurez compris, et c’est fou ce que ça booste l’affaire !), tout juste enjolivé par un orgue farfisa désuet et démodé. Ce sont les textes, parmi les plus grands jamais écrits dans le rock, et la voix de Jonathan Richman qui portent ce disque. Cette voix si présente, si pure et en même temps si troublante, comme un Daniel Johnston avant l’heure, ou plutôt ce petit garçon perpétuellement enrhumé et bougon qu’il était sans doute toujours, finalement… Traumatisé par le Velvet Underground, qu’il suivra un temps comme une groupie, et qu’il imite parfois lors de certains tics d’écriture et solos de guitares typiques, mais toujours en y ajoutant cette candeur absolue, mais quelque peu malmenée par la vie, aux antipodes de la cruauté glaciale lou-reedienne. Ici les textes sont d’une sincérité accablante. Premier degré sur toute la ligne. Comme un ami gênant qui vous mettrait dans l’embarras, alors qu’il n’exprime que des vérités simples, que vous partagez au fond de vous… Ainsi sont She Cracked et Someone I Care About, où Richman avoue ses principes, ringards pour les dévergondées années 70, mais finalement probablement partagés par la plupart de la population mondiale… Quand au courage de les assumer, c’est déjà quelque chose de beaucoup plus rare, et c’est en cela que Richman est un précieux inadapté. Un mec qui ne doit peut-être sa survie qu’au Velvet et à son amour déraisonnable du « Modern World », celui d’American Graffiti version East Coast, par opposition au « Old World », celui des « choses europpéennes de 1943 », de Pablo Picasso, qui faisait un mètre soixante et se tapait toutes les nanas… Un vieux monde qu’il défend avec la même ardeur que Iggy ou Roger Daltrey mettaient à l’attaquer. Comme Ray Davies ? Vous n’y êtes pas – pas plus que ceux qui ne connaissent pas les noms, rassurez-vous. Richman est un cas unique, atteint d’une variation extrêmement rare du syndrome de Peter Pan, du moins à l’époque de ce premier disque : plutôt que de s’enfermer dans un pays imaginaire, il veut conformer le monde autour de lui à ses désirs, il veut une copine, et pas de cheval, une vraie (quasiment tout l’album lui est adressé ou en parle), il refuse de se rabaisser (ou de s’élever) au niveau général. S’élever, car après tout, n’est-il pas un paria absolu ? La « Girlfren » de la chanson du même titre, si elle existe, avait tout l’air d’être la première… Le summum de la confession est atteint sur l’ultime Hospital, premier titre enregistré par le groupe, qui voit justement Richman écartelé entre son exaspération face aux manières modernes et son amour inexplicable des « suburbs », des néons et des yeux de sa petite amie… Ou est-ce juste une fille qu’il suit partout, comme Moe Tucker dans ‘I’m Sticking With You’ du Velvet ? C’est une chanson bouleversante, d’une acuité et d’une intimité à la limite du supportable (à condition, j’imagine, de partager un peu de l’expérience qu’elle raconte). Ce truc-là, comme un trou béant dans la progression de l’album, tirerait sans doute le tout vers le glauque, s’il n’y avait pas Roadrunner, qui dévale à tombeau ouvert dès le décompte de Jonathan (qui marque sa différence en comptant jusqu’à 6 au lieu de 3), comme quand vous dévaliez les pentes en VTT pour aller acheter des bonbons… Sauf qu’il ne s’agit pas de VTT et de bonbons ici, il s’agit de rouler la nuit, la radio AM à fond, de foncer à travers le highway (qui est votre girlfriend pour ce soir), les lotissements modernes, les appartements modernes, et le monde moderne, et d’oublier qu’on est un amant moderne... Un amant seul. Comme dans Taxi Driver, finalement, mais avec Bo Diddley à fond dans la caisse, et un sourire de benêt jusqu’aux oreilles… Un hymne universel, qu’est ce que vous voulez que je vous dise d’autre ? L’album connaît une genèse longue et mouvementée, sur laquelle il faudra revenir (tout comme les bonus tracks, ainsi que la version de Kim Fowley), avant de paraître donc, sous la forme présentée ici, en 76, comme le premier album d’une formation que personne n’avait vu venir. Ce lp restera comme la « version beserkley », celle retenue par les anthologies en tout genre, alors que Richman était passé à tout autre chose, reniant ses anciennes chansons et refusant de les jouer sur scène (où le groupe se fait parfois injurier, voire plus)… Tandis que chaque membre qui joue sur ce disque, lassé d’être un Modern Loser au service de sa vision, découvre le succès au sein de groupes comme les Cars, les Talking Heads, les Real Kids, ou encore le backing band d’Elliott Murphy ; Richman, lui, coupait définitivement les derniers amarres qui le reliaient au monde réel et à celui du rock. Ce n’était peut-être qu’un malentendu. Trop beau pour être vrai, comme on dit souvent.

Chef-d'oeuvre
      
Publiée le mardi 15 septembre 2009

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Giboulou Envoyez un message privé àGiboulou

L'air de rien, on tient peut-être le premier chanteur de slacker rock. Même si le côté désabusé ne paraît pas être une posture construite comme ce sera le cas dans les 90's. J'aime le côté conservateur/nostalgique des textes à une époque qui se voulait (se rêvait ?) libertaire. L'orgue très Doors ajoute une touche bien surannée/désuet à l'ensemble (l'album a été enregistré au début des 70's mais n'a connu une diffusion réelle qu'à partir de 1976). Jonathan Richman est d'une lucidité cruelle vis à vis de son époque. En gamin surdoué intellectuellement mais inadapté socialement (ce qui va de pair à mon avis, car comprendre le jeu social ne donne pas forcément envie de jouer), il touche une question existentielle qui est toujours d'actualité : pourquoi les filles sont elles toujours amoureuses des hippies Johnnys ? "Parce que, ces mecs, s'ils sont si cools, pourquoi ne peuvent ils pas tenir le rôle mais straight ?" (I'm straight). Bon, vous l'avez compris, je suis du côté Fugazi de la force (tout en admettant que les états de conscience altérés puissent être des carburants à la créativité musicale). Bref, I'm straight! (facile, il est 9h du mat')

GrahamBondSwing Envoyez un message privé àGrahamBondSwing
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Ce disque est au rock ce que l'attrape-coeur est en littérature : un chef-d'oeuvre concis plein de fulgurance, condensé d'émotions juvéniles, qui mérite un minimum de concentration pour être apprécié à sa juste valeur.

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Reflection Envoyez un message privé àReflection

Les gutsiens sont durs avec ce disque... La face A est quand même une méga tuerie, à ranger à coté des autres classiques du Rock/punk mélancolique et désenchanté (Television, Gun club, Wire...). L’enchaînement Pablo Picasso/I'm Straight quand même... non ? 6/6 rien que pour augmenter la note globale (sinon un bon gros 5/6).

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David Locke Envoyez un message privé àDavid Locke

Ça doit bien faire 10 ans que je suis un fidèle lecteur du site et comme je suis un rapide, je m'inscris aujourd'hui et pour dire quelque chose de passionnant: merci pour cette chronique qui décrit parfaitement les raisons pour lesquelles je suis attaché à cet album depuis aussi longtemps. (Et accessoirement pour toutes les nombreuses chroniques géniales sur le site). Voilà, personne n'est à l'abri que je j'écrive une autre phrase lénifiante d'ici 10 ans.

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sebcircus Envoyez un message privé àsebcircus

Cet album est une bombe, c'est vrai que la musique est influencé par le Velvet, mais un Velvet plus léger, avec de l'humour, de l'humour noir, certes mais putain quels textes!!! Un Chef d'oeuvre!!!

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