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Sonny Sharrock › Black Woman

cd • 5 titres • 31:38 min

  • 1Black Woman5:11
  • 2Peanut9:14
  • 3Bialero4:49
  • 4Blind Willy3:18
  • 5Portraits of Linda in Three Colors, All Black9:06

informations

1 et 2 enregistrées aux studios A & R Recordings par Dave Green. 3 à 5 enregistrées aux studios Apostolic Recordings, New York, par Dave Baker. Produit par Herbie Mann.

line up

Dave Burrell (piano), Milford Graves (batterie), Linda Sharrock (voix), Sonny Sharrock (guitare), Norris Jones (basse)

Musiciens additionnels : Teddy Daniel (trompette sur 3-5), Richard Pierce (basse sur 3-5), Gary Sharrock (cloche sur 1)

chronique

Sonny Sharrock, ce monstre, cette brute ! Ce Barbare, cet extrémiste d’un free jazz qui ne respecte auc… Mais. Attendez voir. Qu’est-ce qu’ils jouent, là, ledit homme au manche et son groupe, avec la dame qui gorge par-dessus, déployée ? Ce… Ce ne serait pas du… Mais… Si… Du… GOSPEL ?! C’en est. Du désarticulé, me direz vous. Certes. Mais de l’exultant, voyez-vous. Et dans cette batterie – eh, Milford – qui lance et laisse tomber en pluie le fracas de ses cymbales, il y a – vraiment – les tambourins des assemblées qui louent et cherchent à décoller des sols où l’on enchaîne. Dans ces trémolos sur les cordes, il y a les immémoriaux motifs – qui au lieu de clamer "Go Down" décrètent enfin cette qu’on y aille vers le haut : en flèche ! Et la voix de Linda est tout sauf vocifération. Il s’agit d’expression, oui, encore. D’explosion, mais heureuse. Et tout le disque, ainsi, jubile. Même des déchirures coule le baume qui libère, infuse au sang la folie qui ne fait qu’un tour afin de s’emballer dans d’autres jeux courbés, trajectoires vrillées, lacis trop rapides pour l’oreille fatiguée, pour l’oreille habituée. En fait de destruction, il y a le grand brasier bleu électrique – et ses flammes, ô prodige, sont fraîches. Pas un au-delà. Un par-delà les lignes, plutôt. Les limites, sans doute. Une dimension franchie de ce qu’ils appelaient Great Black Music. Avec tout ce que l’histoire – sale, dure, violente histoire ; mais histoire qu’il fallait continuer en dépit, sans dépit, sans trêve vers son autre face, son nouveau jour – avait toujours charrié, rejeté, tenté d’absorber. Les chants d’église, donc, ici jaculations déboussolées mais pleines, vibrantes, désir illuminé. Le blues qui là – Blind Willy (eh, McTell… ce ne serait pas écossais, ça, comme nom, McTell) – prend comme des airs de gigue celte acclimatée plus loin au sud, sous d’autres cieux et d’autres charges. De l’Afrique, de la Caraïbe, du calypso rumba déplié pas pareil – Peanut, Portrait of Linda, au début – on en reparlera, c’est aussi de la Nouvelle Orléans, par là, du Jelly Roll Morton qui tourne au pied total qu’on se prend. Qu’elle, même, là, devant nous. J’y reviens, on a dit. Et en parlant de Louisiane : du… Français, il paraît. Bialero, ça s’appelle. Mais qu’on me les broie entre deux Roberts (les tomes, hein, le dictionnaire) si jamais j’y entends goutte ! Sinon que c’est euphorique et cintré comme du Tim Buckley paumé dans Harlem ; et qu’en effet il y aurait comme de ces mélodies anciennes de nos cours, là-dedans, reprise à compte par un peuple pour renier tout maître. Drôle de vape, ouais. Glossolalie en prélude – après la pause Blind Willy sus citée – à… "Ça". Le Portrait. De la Dame. De Linda. En trois couleurs : toutes Noires. Black Woman. Et c’est l’inverse du cliché, du fantasme esclavagiste – celui du marchand et de l’acheteur aussi bien que celui du revanchard planqué derrière le révolutionnaire. L’inverse aussi des délires du Black Pimp – le maquereau tape-à-l’œil, personnage au mitant des peurs et des envies qui servent de barrières, pour qui le plaisir n’est jamais plus qu’une des options par quoi tenir son cheptel, sérail et clientèle… Ce plaisir-là n’est pas défaite. Ça jouit trop fort pour vous, pour la, pour nous, pour les retenir. "Ça", parce qu’eux tous, et ce qui déferle. Elle la dégorge, c’est sûr, Linda : la décharge qui vous tape et vous gaine. Et c’est tout – autour et à travers – qui bascule, là, chavire et révulse dans le ravissement. Évidemment, me diront les réfractaires : c’est du chiqué. Simulation. "Ce n’est que de la musique vous êtes bien innocent". Évidemment qu’elle joue. Évidemment qu’ils jouent. C’est de la musique oui. Et on est consentant, voyez vous, ô blasés qui ricanez. Parce que du jeu lâché comme ça, ça fait forcément plus que mimer l’article véritable. Ça lui plonge dans le cœur. Ça veut l’ouvrir béant et en ramener la substance rouge-moelle et palpitante et mille irisations. Celle de l’orgasme. Et celle du jazz. Du free. De l’entière liberté qui franchit les murailles sans donner dans le mur. Linda, Sonny, les autres, ne sont pas Monstres, même Célestes. Ils sont campés ici dans leurs enveloppes de chairs, et ce qu’ils cherchent à sortir vous percutera ou vous fera fuir, horrifié, exaspéré. Il y a des circonstances où l'on en demande pas tant. Dire qu'il s'en trouve – j'en suis – pour appeler ça de l’amour.

note       Publiée le vendredi 24 janvier 2014

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  • WZX

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Note moyenne        7 votes

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WZX Envoyez un message privé àWZX

Toujours aussi unique et incroyable. Une telle plénitude sur les plages solaires (Black Woman, Bialero), gospel ouais pourquoi pas : ça chante, ça vibre. Et les grands moments free (Peanuts, Portraits). Et quel groupe : Sonny et Linda, évidemment, mais j'adore également le jeu de Milford Graves (ici et ailleurs) centré sur les peaux, terrien mais une subtilité rythmique.
A noter, autre très grand moment free dans un registre moins solaire, le disque No is No de Linda Sharrock (2014).

Note donnée au disque :       
Tallis Envoyez un message privé àTallis

Merveille d'album. Etonnamment... lumineux oui, aussi bizarre que cela puisse paraître dans l'idiome free. L'envers du "Sings" de Patty Waters auquel le "lâcher vocal" de Linda Sharrock fait inévitablement penser. Mais autant le premier est douloureux, parfois à la limite de l'insoutenable, autant celui-ci, à sa façon, réconforte. Singulier chef-d'oeuvre.

Note donnée au disque :       
Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

non, je suis toujours en Chine ;) No youqueue, no soudclound, no deezer, no fcbk, no blog, no slsk,....néant néant néant néant comme ils disaient.

Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Ah oui OK, si c'est un question de débit... Ça viendra, du coup.

Et en fait j'aurais du mal à comparer ce disque à quoi que ce soit d'autre. Vraiment pas dur de lui repérer des sources - gospel, folk etc., donc - mais de là à lui trouver des pairs... Pour le coup, le tag "OVNI inclassable" m'a pas paru déplacé, moi qui rechigne franchement à en user, de ce truc.

Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

Je connais surtout le coté lumineux d'Ayler, c'est sans doute pour ça. Mais ok ils n'abordent pas la manipulation des themes de la meme façon, selon toi. je peux pas ecouter les extraits pour le moment... tant de chose à découvrir quand j'aurai acces au vrai internet