Là, Lucie Sia ont frappé très très fort en compagnie de Fonoarte et Again Records… Trois coups pour être précis puisqu’ emballés dans un beau digipack, le label nous propose une rétrospective en 3 cds de pionniers de l’industriel italien: F:A.R. (Final Alternative Relation). Le collectif a produit pas mal de cassettes mais seulement trois albums en tant que tels et ils sont groupés ici témoignant d’un espace de cinq ans de créativité. Commençons par celui de 1985, ‘Da consumarsi con grazia’. Pour résumer succinctement, imaginez que Dario Argento ait produit un film muet dont le groupe assurerait la bande-son comme cela se faisait à l’époque. L’arrangement des pièces est si remarquable qu’on pourrait croire écouter une seule pièce aux multiples variations. Les Italiens ont cette qualité que j’apprécie énormément de savoir, en plus d’expérimenter, poser des ambiances et ne pas négliger un certain aspect mélodique. Echantillons de musique classique, de bruitages divers, séquences électroniques, grincements saturés, rythmes tribaux étouffés en filigrane, hurlements, passages tendus, cassures, alternances de tonalités claires et de basses, pour des climats glauques, malsains, inquiétants, fascinants, calmes même lors de brefs instants. Chaque composition en elle-même est riche en variation sans pour autant ruiner un potentiel atmosphérique et sonne pourtant comme une pièce d’un grand puzzle que serait le LP. Là encore, le support cd joue son rôle car s’écouter l’ensemble d’une traite est un régal des sens, une expérience intense, tant la musique est porteuse d’images dont elle garde les contours volontairement imprécis. Deux plus tard est enregistré ‘Presto i topi Serrano a cercarci’ qui présente assez rapidement un aspect différent des F:A.R. plus ésotérique, axé sur les atmosphères, les boucles hypnotiques, des rythmiques tribales, évoquant de ce fait les travaux de Ain Soph à leurs débuts sans singer pour autant car le collectif n’en oublie pas de saturer ses sonorités dans une optique plus industrielle. Les tonalités sont majoritairement basses, l’ambiance souterraine, avec des vocaux plus présents même si souvent agressifs, saturés, côtoyant quelques échantillons et bruitages. Une fois encore, le tout est si varié dans sa cohérence qu’on ne s’ennuie jamais, c’est vraiment du grand art. Outre la composition, les Transalpins se révèlent doués et précis pour l’agencement, faisant de chaque LP une expérience cohérente et passionnante. L’ultime album, ‘Passi uguali’, enregistré en 1990 ne démérite pas le moins du monde, mêlant pièces dadaïstes, compos industrielles tribales saturées, fortes en émotions, empreinte parfois d’un mysticisme étrange (‘Abbandònati 1’), glauque de temps à autre (‘Dinosauri’), une dose d’expérimentation ironique. On reste stupéfait quant à la cohésion, la précision de cette musique probablement chaotique pour les non-initiés mais en réalité le fruit d’un doigt d’orfèvre. Contrairement aux idées reçues, si Dada a décomplexé l’art, il ne l’a pas rendu moins exigeant. Avec cet ultime opus, F:A.R. s’engagent sur les terres surréalistes chères à Nurse with Wound mais de manière moins hermétique. Chaque album est enrichi de bonus qui n’ont rien de remplissage ne rendant cette compilation que plus indispensable. On a largement rendu hommage à l’apport incommensurable des Britanniques en matière de musique industrielle et expérimentale mais des formations de la trempe de F:A.R. prouvent s’il est besoin que le Pays de Dante a de sacrés atouts à faire valoir lui-aussi.