Rachel Grimes › Book of Leaves

C’est marrant. Pas plus tard que là tout de suite, j’ai eu une discussion au sujet de la dépression. Oui, notez bien ; je suis le genre de gars qu’il faut à tout prix éviter d’inviter sous risque de plomber votre soirée. Un vrai boute-en-train. Et donc, nous parlions dépression, disais-je. Ou plus exactement de mélancolie. Son historique, son origine. Tout ça quoi. Et le glissement de sens qui, subitement, a fait que, de nos jours, la dépression est diagnostiquée comme une maladie, et non pas, pour tout le mal ou tout le bien que cela peut représenter, juste un état d’esprit ... Ce spleen, cette tristesse, c’est le socle premier sur lequel repose tout entier le premier album en solitaire de Rachel Grimes, pianiste et tête pensante du groupe néo-classique Rachel’s qui ne s'était plus faite entendre depuis "Systems/Layers" en 2003. En schématisant, on dira qu’on retrouve sur "Book of Leaves" tout ce qui fit le charme de "Music for Egon Schiele" ou "The Sea and The Belles" sans l’apport des instruments à cordes. Son titre n’est donc pas mensonger ; il s’agit bel et bien d’un disque automnal où le piano ballade seul ses états d’âme dans des sous-bois décharnés engourdis par le froid d’un épais brouillard. Dans de telles circonstances, sans aucun signe de conceptualisation à outrance, le parallèle avec l’œuvre d’Erik Satie paraissait inévitable. On ne s'attaque pas impunément à de telles sommités. Mais il faut bien admettre que, en effet, on retrouve tout de même un peu de cela dans ce collier délicat de quatorze petits tableaux impressionnistes à la naïveté indolente dont la sincérité ne pourrait être mise en doute. Ce qui est beau devient vite triste. Mais l’inverse est sans doute vrai aussi.