Chrome › Alien Soundtracks

Rock de l'espace... ou plutôt Space-Garage, créneau de prédilection incontestable du duo Damon Edge/Helios Creed. Encore aidés à l'époque par John Lambdin et Gary Spain, des rescapés du premier album, aucun d'entre eux ne se doute que leur musique deviendra un passage obligé pour tout bricoleur de fréquences et autres marginaux de service habitant la planète terre. Voyez plutôt : deux freaks de San Francisco complètement à balle de came, chacun ayant avalé sa bibliothèque de Science-fiction laissent se déverser au creux de nos oreilles leurs visions de vagabonds spatio-temporels sur dix morceaux aux noms plus qu'évocateurs. Depuis leur caveau de répet miteux, la tête dans les étoiles, le nez dans la bidouille. Un peu comme les effets spéciaux carton pate qu'on trouve dans les séries B ou Z qu'ils affectionnent tant, les gus nous font passer la pilule avec des bricolages maison gros comme tout, mais reconnaissable entre mille galaxies, et surtout qui fonctionnent à fond. Les premiers morceaux sont des dédales impossibles... ça s'arrête en pleine lancée pour enchainer sur autre chose, collage brutal de bandes parfois passées à l'envers, de riffs cosmiques et dissonants, samples de voix sans doutes issus du poste télé, effets à outrance sur une guitare en pleine cavalcade épique, grosses nappes de synthés pourris (mais qui viennent du futur !), caisse claire au son de boite à pizza, on entends même parfois des gremlins qui trifouillent les branchements. Et puis au milieu, il y a ce Nova Feedback... pièce de résistance qui illumine la fin de la face A comme un désert de crystal sur une planète rocailleuse. Rythmique ultra posée, laid-back dans la cadillac-astronef, un joint d'herbe plutonienne au bec, et cette guitare qui se ballade, sautille sur les bosses de basse, caresse le phaser du charley avec la douceur d'une volute de fumée, tapote son petit solo avec un calme reptilien, et donne des airs d'infinie contemplation. Autre instant marquant, Pygmies in the dark et ses nappes qui tissent d'abord un voile trouble et inquiétant, quand sans prévenir le tout glisse dans une boucle improbable, un rythme instable auquel on peine à se raccrocher. Et des trouvailles de folie, ce Alien soundtracks en regorge. Mais il faut savoir qu'il n'est que le début d'une longue épopée, et il reste encore tellement à dire, tellement de chroniques d'autres galaxies à conter... de plus, l'album s'essouffle carrément sur la fin (ce que ne fera pas Half Machine Lip Moves, leur suivant et chef d'oeuvre). Enfin, le trip en vaut carrément la peine ça ne fait aucun doute, et tant qu'on peut s'écouter Nova Feedback encore et encore et encore jusqu'à la prochaine explosion de soleil, ça le fera pour moi.