Trust › Trust IV

Le rock français....Ah ah, oui, je sais, j'en vois déjà qui sont pliés en quatre en se tenant les côtes. Niveau underground, c'est une véritable mine, on ne va pas revenir là-dessus mais si on se base sur le niveau plus 'grand public', les sourcils se froncent et on gamberge nettement plus. Noir Désir bien entendu mais sinon ? Si, comme moi, vous êtes nés au début des seventies, deux noms s'imposent: Téléphone, bons musiciens mais médiocres paroliers, et Trust. OK, je n'en suis pas le spécialiste mais là, un peu sur un coup de nostalgie, j'avais envie de vous présenter cet album éponyme, le quatrième. Peu de ses titres figurent sur des best of et pourtant il contient à mon sens quelques grands éclats de Trust. La formule du groupe est simple, une musique hard rock, une attitude punk et des textes intellectuellement travaillés restitués avec une gnaque 100% rock. Certains les décrivaient comme un pendant français de AC/DC avec lesquels nos lascars entretenaient d'ailleurs de solides liens d'amitié, ce qui n'est pas faux mais pas exact entièrement. Alors que les Australiens se sont lancés en optant brièvement pour une forme de pseudo-glam avant de vite remplacer leur premier vocaliste par Bon Scott et évoluer vers une forme de hard rock inspirée d'un blues dur joué plus vite, Trust n'a pas réellement baigné dans une telle culture optant plutôt pour un son plus froid et sec, en accord avec l'ambiance plombée du début des 80's, ce qui n'enlève rien à la dextérité de leur gratteux, pas manchot quand il s'agit d'aligner des riffs. 'Antisocial', je ne m'en suis toujours pas remis, mais ce disque inclut d'autres brûlots parmi mes favoris toute catégorie du répertoire de Trust: 'Les armes aux yeux', chanson glauque et tendue, baignée d'une indicible tristesse et l'un des plus beaux textes de Bernie, 'Idéal' et sa phrase tueuse, 'Profite de la guerre car la paix sera terrible', 'Varsovie', certes plus vraiment d'actualité mais toujours une belle pièce, 'Le pouvoir et la gloire'... Bernie et son ton moralisateur n'ont pas toujours fait l'unanimité mais toujours est-il que le bonhomme sait poser son ton rocailleux et asséner ses mots comme des couperets. L'album est également empli de questionnement assez durs sur la religion ('Jugement dernier', 'Le pacte', 'La luxure') tout en s'inspirant des thématiques occultes en vogue au sein de la NWOBHM. Ces morceaux sont ouverts par des choeurs pour 'Le Pacte' mais par des grognements pour 'Jugement dernier', beaucoup plus dur et négatif. On sent le chanteur habité par ses textes et la prestation du groupe est excellente. J'ajouterais qu'à mon sens, 'IV' se décline de manière plus variée que les opus précédents, notamment, j'y reviens, avec ce superbe 'Les armes aux yeux' et sa description terrible de l'univers carcéral, thème cher à Trust (rappelez-vous du 'Mitard'). On questionnera ou non les choix de carrière des musiciens par la suite (guitariste de Johnny pour Nono, la honte !) mais nul ne pourra remettre en doute le fait qu'ils furent les seuls capables de se mesurer aux formations anglo-saxonnes ou américaines sur leur propre terrain tout en glanant dans un public punk qui appréciait le côté social et politiquement engagé des paroles. Pourquoi avoir chroniqué ce quatrième essai en priorité ? Parce que les raisons citées en font sans doute mon favori du groupe, une pièce à écouter d'un tout, sans réel single pour la porter.