François Bayle (b. 1932) › Motion-émotion

Présentée par le compositeur comme une introduction à la métaphysique du son, dans un goût heideggerien, cette composition n'en demeure pas moins l'une des plus physiques, des plus organiques de François Bayle. Ses vibrations parlent moins à l'intellect qu'au corps. Elle est en effet dominée par un tournoiement incessant, qui se répercute dans tous les sons employés. L'auditeur est saisi par cet effet gyroscopique, qui alterne parfois (mais jamais pour très longtemps) avec des passages plus calmes. Les nerfs s'aiguisent tout au long de ces 22 minutes ; notre perception s'affine - et cette spirale sonore qui passe par tous les spectres harmoniques et tous les niveaux d'intensité imaginables finit par se saisir de notre être. La force motrice engendrée par cette musique concrète du troisième type donne ici sa pleine mesure. En fait d'ontologie, on ne retient donc essentiellement qu'une énergie cinétique organique qui sous-tend la trame des sons, et qui se nourrit d'elle-même. On y retrouve également cette "couleur" si particulière à Bayle : des sons si simples (petits instruments, flûtes, percussions...), si "naïfs" et frais, mis au service d'une spatialisation et d'une rythmique austère par son abstraction et sa complexité. Pourtant, s'il y a de quoi être effrayé, la fascination opère ; l'hypnose vous capture au sein de l'installation acousmatique du compositeur/metteur en scène. Cette musique électro-acoustique vous entraînera-t-elle ainsi, au-delà de l'étant, vers le dévoilement de l'être ? C'est si dur de trouver les termes justes... mais je me donne trop de peine : le titre seul dit tout. Que les deux maîtres mots de cette oeuvre vous servent de guide sur ces chemins qui ne mènent nulle part...