Windir › Likferd

«1184» avait prévenu : Valfar n’est plus seul, et «Arntor» restera donc unique en son genre. Mais «1184» avait aussi montré que Windir était un groupe au travail, soucieux de maturité, de structures plus fines et riches, et que Valfar, même secondé, restait un sorcier des mélodies et des harmonies. «Likferd» est pour moi une véritable bénédiction. Forcément décevant à la première écoute, mélodies plus sobres, harmonies plus secrètes, moins éclatantes… le nouvel album est aussi le plus sombre, le plus violent et le plus triste jamais produit par le groupe… et retrouve l’équilibre retenu de «Solknardalr». Riffs plus noirs, voix extrême plus assurée et mieux composée que jamais, un son de guitare qui reprend du gras par rapport au si propre «1184», une grande variété de rythmiques, du blast au heavy en passant par quelques instants thrash : Windir est enfin devenu aussi bon constructeur que rêveur. Plus sobre, oui, incontestablement… mais aussi essentiellement en apparence. Le vocabulaire est plus riche que jamais, les mélodies souvent moins saillantes mais d’une finesse équilibrée majestueuse, et si les harmonies ont parfois perdu en ampleur épique, elles y ont gagnés, très largement, en émotions… oui, Windir, en plus du reste, sait désormais nous émouvoir : la mélancolie vous-dis-je, la nostalgie plus que jamais, dans le final superbe de «Fagning», dans le morceau «Resurrection of the wild»… partout. On n’avait encore jamais entendu un titre aussi lourd et noir que «On the mountain of goats» chez Windir, et la classe suprême du groupe ici est que c’est à la fois parfaitement réussi, et parfaitement Windirien. Dans cette qualité accrue de la gestion des dynamiques, des vitesses et des densités, les éléments utilisés par Windir retrouvent leur essence propre, plus que sur le linéaire Arntor. Désormais, quand Steingrim blaste, c’est bel et bien dans un esprit de rage et de violence, et le chant de Valfar a gagné en puissance… quand les claviers s’ouvrent sur le ciel et les montagnes, alors la basse ronde et précise, les chants clairs et superbes de Cosmocrator ainsi qu’une envolée de lead heavy surmélodique épaulent et approfondissent les harmonies, c’est tous ensemble que les instruments fabriquent le monde du Guerrier, de la batterie aux guitares, de la basse aux claviers, de Valfar à Cosmocrator. Album de Windir, «Likferd» est naturellement traversé de passages atmosphériques de claviers spaciaux, de puissance harmonique, d’envolées inimitables et d’ouvertures célestes prodigieuses. «Martyrium» est d’une ampleur magnifique. Cet album est fait de couleurs qu’on ne trouve nulle part ailleurs et malgré une ouverture de plus en plus nette aux influences, «Likferd» confirme la singularité merveilleuse de Windir. Bien plus intense que son prédécesseur, le quatrième album de Windir est celui qu’il fallait à ceux que «1184» laissa dubitatifs. Oui, le son peut devenir plus propre et soigné pour mieux servir la richesse des sons et retrouver en même temps la puissance qui sied au métal extrême … et non, Windir ne refera pas d’Arntor, parce-que «Likferd» le singulier vaut mieux que n’importe quel chef-d’œuvre part II.