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Bone Thugs-N-Harmony › E. 1999 Eternal

cd • 17 titres • 68:29 min

  • 1Da Introduction4:25
  • 2East 19994:21
  • 3Eternal4:03
  • 4Crept and We Came5:03
  • 5Down '71 (The Getaway)4:50
  • 6Mr. Bill Collector5:01
  • 7Budsmokers Only3:31
  • 8Crossroad3:28
  • 9Me Killa0:55
  • 10Land of tha Heartless3:55
  • 11No Shorts, No Losses4:52
  • 121st of tha Month5:14
  • 13Buddah Lovaz4:43
  • 14Die Die Die2:52
  • 15Mr. Ouja 21:16
  • 16Mo' Murda5:44
  • 17Shotz to da Double Glock4:42

informations

Enregistré par Aaron Connor et Anne Catalino au Trax Recording Studio, Hollywood, Californie. Mixé par Aaron Connor, DJ U-Neek et Tony C aux studios Cat Productions, Hollywood, Californie, et Sound City, Van Nuys, Californie. Produit par DJ U-Neek. Producteur exécutif : Eazy-E.

line up

Bizzy Bone, Wish Bone, Layzie Bone, Krayzie Bone, Flesh-n-Bone, DJ U-Neek

chronique

Bone-Thugs-N-Harmony... Posons l'ambiance : références ou pas aux clichés de films d'horreur (Mr. Ouija 2), au fameux mythe de la rencontre avec le Diable au croisement (Crossroad), malgré les récits façon journal d'un serial killer (Me Killa), ce n'est pas de l'horrorcore. Pas vraiment. Plutôt : ça emprunterait tout ça – l'imagerie glauque, le son rampant façon bande-son poisseuse, l'auto-fiction qui compte les morts... – dans une autre optique, à la fois plus brutale (frontale) et plus ambiguë. L’ambiguïté : parce que la frontière est moins nette, ici, que chez Gravediggaz et consorts – pas de masques, mais on ne sait pas si les histoires qu'ils dégoisent déguisent ou non le vécu, embellissent les détails dans le sens d'un rendu plus « graphique », emballant la routine d'embrouilles potentielles avec les flics ou d'autres habitants (éventuellement mortelles – on est au États, hein) en histoires épiques, fantasment les flamboiements sur les dégradés terne, les patchwork ciment-béton-asphalte. Le brutal : parce que comme ça c'est encore pire – qu'en travaillant la plume, le flow, la forme, ça fait ressortir encore plus le sans-issue des vies d'où ça sort, des quartiers où ça se fomente. Ces coins où tous les jours c'est Halloween – mais avec du vrai sang, des « tricks » sans « treats », la lame ou le pétard (toutes acceptions) à la main plutôt que le sac de mars, de dragibus, de langues-qui-piquent. Un peu comme chez Heltah Skeltaz, dans leurs moments les plus parano-weed (décidément), les plus à cran (I'm not sure anymore (mooore), who's knockin at my door (doooor)... Treat or Freak, allez). Un peu comme les Geto Boys, dans leurs histoires les plus bad-trips. Du cinoche, oui – mais avec une vision pas vraiment Hollywood. De la bobine d'exploitation, peut-être bien – du slasher mais gangsta, la cagoule du braqueur à la place du masque de hockey.

Bon... Et ce groupe, aussi, comme les précédemment cité : c'est exceptionnellement FUNKY, dans sa perspective ghetto-gothic ! Comme le G-Funk plus à l'Ouest – c'est d'ailleurs ce crevard d'Eazy-E qui allonge la monnaie pour le disque, comme pour l'EP précédent, Creepin on ah Come Up. (Crevard et crevé, de surcroît – l'Eric ayant calanché quatre mois avant la sortie... Crossroad lui est d'ailleurs dédiée, tiens). Avec ces même synthés fil-de-sucre – ceux qu'on entendait alors partout chez les types de la côte ouest – de Snoop à Tupac en passant par Warren G. Mais Cleveland n'est pas L.A., pas Compton – et le groove n'est pas le même. Plus lourd et plus jazzy, tout un. La fausse famille Bones (famille décomposée ?) sample les Isley Brothers, Isaac Hayes ou le Rubber Band de Bootsy Collins plutôt que de boucler du disco-boogie. Le son a quelque chose de moins chromé – de plus soul, pour que les Chants de l'Ordinaire Damnation sonne plus sinistres encore. Fumées ou pas : pas de place à l'enchantement. Les rares moments où la chape s'allège un peu – 1st of da Month, qui parle précisément de claquer ses alloc chômages à ladite date pour se procurer de quoi se rouler des blunts bien gras – font comme des trouées dans le brouillard, la purée de pois ruminée ailleurs, de bout en bout. Et pourtant...

Pourtant, disais-je : ça CHANTE. Les Bones – les gusses au micro, là-dedans, se sont tous renommés XX-bone, donc ; façon Ramones mais en hoodies et t-shirts aux flocages dorés plutôt qu'en perf' et franges graissés – ont ces flows si particuliers, balancés presque toujours (… seulement presque ?) sur trois temps, hyper-speedés et parfaitement coordonnés, harmonisés, questions-répons et rebonds divers, passages-éclairs des relais. Une manière presque... Allez, j'ose : presque GOSPEL. Du moins, si on veut nuancer : nourris de tout ce qu'une certaine soul (encore elle) devait à ces chants d'église, d'assemblées, de culte – dans la brillance de l'exécution, la plasticité du débit, pour le sens des variations sans fin sur un ligne déroulée sans le moindre à-coup, l'acrobatie comme enluminure à la course de fond – et qui jamais ne fait trébucher le coureur. De fait, c'est long, ce disque – presque une heure dix... Mais ils feront pire avec le suivant (The Art of War, un double-CD – alias l'une des manies les plus plombantes du hip-hop US vers le milieu/fin des années 90). De fait pourtant : les mecs nous retiennent là-dedans – foutaises incluses, malaise flottant, brio et bassesse bien pétris, mêlés dans le brouet. Peut-être pas un chef d’œuvre – on s'en cogne, ça, comme toujours. Et peut-être que si, d'ailleurs. Très certainement : un truc unique, ou pour le moins pas commun. Cinq-six branleurs à peine sortis de l'adolescence (qui en tout cas en ont l'air), la tronche toujours calée entre séries Z et VHS autres VHS et faits divers sordides de proximité ; drivés, lancés dans le business par une teigne en fin de vie – mais la gueule toujours aussi grande et vivace et sale (Eazy, encore) ; qui dégainent cette manière de cantique-de-la-racaille tout en finesses (musicales) d'abord insoupçonnables, sous l'effet « bloc », sous l'effet « gros bout d'opacité jeté là tout vif ». Bullshit et goût des effets de saison ou pas, voilà : reste que plus de vingt-cinq après, le truc continue de s'instiller vicieusement dans les voies respiratoires, de choper par les tempes, le cou, le poitrail, de peser sur le souffle. Et de l'allonger, en même temps – d'étirer le temps de inhalation/exhalaison sur son pouls sourd-claquant, feutré-clinquant.

Pas mal pour des seconds couteaux ? Eh... La force de ce genre de cisailleurs – Jason Vorrees, Michael Myers etc. – c'est aussi de n'avoir l'air de rien, d'abord, de péquin mal costumés. Seulement, l'engeance, à l'usage : ça se révèle increvable. Ça reste debout alors que les têtes tombent. Mais pas d'horrocore, ici, je persiste. Un autre genre de cauchemar : sournois, récurent – qui suinte des murs comme les bruits de la rue plutôt que de rebondir comme un écho sur le fond des fosses des cimetières. Ça vous indique plutôt, ça vous récapitule les moyens et les laps multiples, les occasions qui guettent à chaque coin de bloc de s'y retrouver illico, six pied là-dessous. Ça vous prévient, vous averti (sens des fatalités compris, et désir de planer au-dessus de ça), ça vous raconte par où on s'y retrouve, plutôt que d'en faire surgir de plus abstraites fariboles à croque-mitaines.

note       Publiée le lundi 31 octobre 2022

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Ouep ! Presque crunk avant l'heure, je dirais, très sud poisseux, en effet... J'ai longtemps cru aussi qu'ils étaient de ce coin, moi aussi. Mais non. En passant je me rends compte juste là que Zapp & Roger, que je cite dans la chro et que je croyais californiens sous prétexte que toute la clique G-Funk en raffolait étaient en fait... Eh bien eux aussi de l'Ohio ! Chaipas... Entre ça, les Ohio Players (et leurs pochettes d'un bon goût toujours parfait)... Doit y avoir un micro-climat, je vois que ça !

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    dimegoat Envoyez un message privé àdimegoat
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    C'est trop bien bone thugs mais je connais surtout leur EP de 94. Le mélange soul/ghetto sonne très sudiste, je suis bien étonné de découvrir qu'ils sont de Cleveland.

    La trap leur a peut-être tout pris, de même qu'au Hello Brooklyn des beastie boys, mais ce n'est quand même pas la même ambiance. Je m'écoute un bone thugs comme un UGK, disons. Dans Migos, faut faire le tri dans leurs mixtapes pléthoriques mais il y a des trucs imparables et Culture est presque un très bon album.

    Message édité le 03-11-2022 à 18:44 par dimegoat

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Et @Coltrano : oui, je me faisais la réflexion que ce flow "ternaire" - assez unique à l'époque - avait l'air d'être devenu une espèce de standard dans plein de trucs de maintenant, du côté de la trap etc. ... Après contrairement à toi ça ne me dérange pas pour autant de réécouter ça maintenant ("oué oué ça va on avait compris Dionéo hein"). Pas plus que ça me dérangerait de réécouter Busta par exemple - pour le côté speed aussi ou parce qu'une pléthore d'autres mecs se sont mis à beugler après lui. (Migos, un pote m'avait fait écouter vite fait... J'avais pas franchement accroché mais pas non-plus trouvé ça atroce, de mémoire, dans le genre).

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    @azfazz, Eh bien de rien, je trouvais aussi qu'il manquait dans le coin et ça faisait un moment que j'avais envisagé de le chroniquer... Donc voilà, c'est fait ! Et pour ma part j'en avais aussi le souvenir d'un truc un peu "bancal" mais en y retournant il y a un moment j'ai trouvé que non, j'ai plutôt été frappé par la cohérence du truc, l'ambiance tenue tout le long. Comme dit dans la chro il peut y avoir une fatigue "d'accumulation" - comme avec pas mal d'albums rap de l'époque, où à force d'ambitions ça faisait souvent trop long - mais finalement je trouve que non, dans l'humeur qu'il faut il passe d'une traite. Puis bon, ici le côté "mellow" de certains trucs me dérange beaucoup moins maintenant qu'il y a quelques années (ou plus d'années que quelques). (comingoutr'n'b bonjour...)

    Message édité le 03-11-2022 à 16:05 par dioneo

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    Coltranophile Envoyez un message privé àColtranophile

    Marrant, j'ai vu passer la chro et je me suis dis "non", finalement. J'avais complètement craqué à l'époque sur ces flows saccadés et quasi-chantés. .Ça collait parfaitement à l'époque, il faut croire. Aujourd'hui, je peux me refaire un "Mo'Murda" sans trop rougir, je pense. Mais au-delà, c'est devenu une forme d'impossibilité. A noter un truc, leurs flows étaient, en fait, en avance sur leur temps. Ces flows interchangeables d'aujourd'hui à la Migos and Co me paraissent en grande partie inspirés par ce qui se faisait ici.