Il était temps de présenter sur G.O.D. ce groupe étrange au patronyme de jeu de construction (un c en moins pour des raisons de droit) pas réellement culte mais pas loin, dont les albums ne sont pas parmi les moins chers à dénicher. Pourtant l’histoire n’avait pas débuté spécialement différemment: un groupe punk comme tant d’autres qui vire rapidement vers le post punk. Ok, il y avait bien un certain Dick Polak en ses rangs qu’on retrouvera notamment en collaboration avec Minimal Compact (pareil pour Cor Bolten) mais ceci explique-t-il cela ? Au moins, pour les plus désargenté(e)s, le groupe at-il mis sur son bandcamp cette compilation groupant la plupart des compositions enregistrées durant sa première mouture, de 1979 à 1983. On y découvre une formation post punk pas si différente des autres mais qui laisse vite comprendre le soin qu’elle apporte aux atmosphères, à la qualité des textes (souvent des pamphlets sociaux mais exprimés au travers d’images riches, complexes, avec divers degrés de lecture). Des morceaux tels que ‘Links’, ‘History landmarked’ ou ‘The mutant jasz’ confirment aussi que les zicos ne sont pas des manchots et ne dédaignent pas l’idée d’expérimenter un peu (dans des rivages pas si éloignés spirituellement de certaines démarches indus). Rien de si étonnant, avant de prendre les contours d’une formation rock, Mecano se présentait davantage comme une sorte de collectif dédié à la peinture et à l’écriture. Voilà qui explique probablement la stabilité iconographique tournant autour du meccano. On remarque aussi peu à peu l’adjonction d’instruments traditionnels (violon, cuivres, piano, accordéon…), une tendance qui se développera davantage lors de la reformation du projet au cours des années 2000. Outre une audace de plus en plus marquée dans les structures (‘The march of the iron workers’), le combo se distingue par le chant grave de Dick Polack, empreint d’une drôle de gravité adulte; à l’image d’un Arno dans TC Matic, l’homme paraît n’avoir jamais été réellement jeune, décalé comme si une âme ancienne s’était greffée dans cette enveloppe juvénile. Les restes punk ne sont pas pour autant passées sous silence (‘Fools’, ‘Face cover face’…) mais elles ne dégagent rien de spécialement exceptionnel. Chère mais très complète, cette collection explore tous les aspects de ce groupe aux instruments tranchants comme si taillés à l’image de leur paysage industriel malgré quelques tentatives plus groove (‘Robespierre’s re-marx’) qui leur brûlent cependant vite les mains. Pour qui connait la seconde partie de carrière, des chansons telles que l’excellent ‘Suggestive sleep’, l’instrumental ‘Autumnatic play’ annoncent un style d’emphase mélancolique baigné d’une forme de socialisme (voire d’anarchisme) intellectuel courante au sein de plusieurs collectifs artistiques du début des 80’s prenant le bloc soviétique comme métaphore pour creuser plusieurs réflexions. L’aspect culte de Mecano ne saute pas aux oreilles, ni sur ces premiers travaux ni les plus tardifs et pourtant, il se dégage une aura spéciale assez atypique peu aisée à décrire avec des mots. S’il n’est pas rare pour des groupes post punk de dépeindre une situation sociale, de sonner arty, les Néerlandais, eux, parviennent quasiment à évoquer des tableaux modernistes au travers de leur musique.