Stupeflip › Stup Virus

Attention, attention : Stup Virus ! Contamination, population ! "Meuh pfff c'est juste un album que King Ju a financé avec l'aide de ses fans et qui restera dans les limbes du streaming, il est mou et fade, aucun risque !" P'tite quinte de toux : mouais rien de grave... Tu l'sais pas, mais l'Stup Virus avance à pas feutré, dans le coton et les chuintements. Tu l'sens pas, mais il crochète déjà tes cellules, s'immisce dans tes synapses. "Nique ton cerveau ta carte à puce". Son temps de survie sur les neurones, estimé à quelques heures, se révèlera pourtant supérieur. Et ce malgré son statut indéniable de Stup mineur/Stup minceur, qui fait dans l'à peu près rampant et l'autopsie des souvenirs. L'truc craque plus, frappe plus... Faudra être patient pour passer outre son goût artificiel de Stup Zero. Outre ce tube d'entame variété-pouet-pouet... Dès cet "Antidote" enjoué et plastoc, dur d'y croire comme avant. Y a comme un truc blasé dans Stup Virus, ouais. Une tiédeur comme camouflage. Même le passage "fan des années 80" habituel sonne comme s'il avait un flingue sur la tempe. Ce disque a un air de Stup-tofu autant que de Stup-syrup... mais j'y reviens, inlassablement. Besoin de re-goûter au déluge nonchalant de rimes certifiées King Ju, à ses instrus pas inspirées et qui pourtant s'incrustent, décontaminées du punk mais infusées d'abstract. Les tounes qui tournent après écoute ? Y a l'effectif - et pas que "Understup", traditionnel tube triomphant, moins réussi que "Stupeflip Vite !!!" mais qui fait hocher la peluche... Influence de Stup Virus : trop de shit, de chips ? Ambiance de Crou bloqué dans le canapé, et ces mélodies au chômage partiel. Blasé, détaché... Moelleux, comme ce flow de chicano qui piaffe et qui roule sur l'étrange berceuse hip-hop "The Solution", d'où coule tranquille une ambiance calfeutrée et lunaire, striée de corbacs. Stup trivial, aussi, à l'image de sa "Grosse Tête", de sa suite pas obligée à la "lettre à Mylène", ou de cette voix de robot informatique femelle, détournée comme le font tous ces youtubeurs "comiques" élevés en batterie, et qui revient saouler à chaque interlude... Ouais, pas facile à chro, ce quatrième du Crou, avec sa gueule non-évènementielle. Est-il comme je le ressens nourri de trap à la Vald, ou de Gims (que King Ju avoue kiffer, sans chichis) ? Ou est-il plutôt un regard adulte et douloureux sur le passé, comme le suggère cette "1993" à la nostalgie dure ? Un retour à la source de l'ADN du Stup et titre-clé dans sa mythologie du Crou, qui serre la gorge à la clé à molette... On peut parler de fin d'une trilogie avec Hypnoflip Invasion, et d'un début de nouvelle ère avec Stup Virus. Avec Mylène comme passerelle. Un présent qui sent le lointain. Les années 2020, mon p'tit bout'chou : décennie qui s'annonce encore plus stérilisée et floue que la précédente. Distante et méfiante. Pasteurisée, comme cette zique du Stup 2016, et son ambiance aux cachetons (pas seulement à cause de Sandrine) comme sur aucun autre Stupeflip, qui jette un voile laiteux sur le son du Crou. Un Stupeflip alangui, qui glisse comme une anguille entre nos mains trop crispées de cliqueurs en série. King Ju y investit sans trop se mouiller le rap de la seconde moitié des années 2010 : planant, froid, aplati. Quasi neutralisé. "C'est l'apathie générale" rappait King Ju sur le précédent... On y est. Que faire ? Jouer sur le vieux qu'on devient, causer à sa nouvelle fanbase Jeuvideo.com ? Plutôt rôder dans ce no man's land rien qu'à soi, ce monde de l'enfant qui montre les canines, ici montré sous une lumière de bloc opératoire et des sons palliatifs. Ne plus chercher à attaquer de l'extérieur par les vallées adjacentes, avec un rap-rock à la Public Enemy keupon ; mais de l'intérieur de l'ordinateur-roi, avec des instrus plus logicielles et diaphanes que jamais... Et pourtant, encore truffées de sons parasites, éclats de cliquetis, clignotements SF, étincelles acidulées. Album frustrant au charme retors. Pouvoir pathogène relatif, mais contagiosité sous-estimée. Recommandation de l'OMS : les masques sont inutiles, ils sont réservés au personnel soignant... Enfilez une cagoule. Et serrez les dents.