Stupeflip › Stup Forever

Le livret papier glacé de mon digipack de Stup Forever sent fort la beuh, ou mes narines buguent ? J'eus vent jadis d'un CD de Cathedral qui sentait la pomme. Plus automnal qu'une granny smith, le son de Stup Forever lui, sent l'usure, l'arthrose, dès son intro toute molle, toute moche... Stupeflop ? Stup est lessivé, menaçant comme un gastéropode, Stup est suranné, Stup le sait. Mais Stup va au bon-char, carbonisé du gosier. "DTB" déboule en K7-rap has-been dans tes conduits air-podés, plus vieille école qu'un mouchoir en tissu. Stup Fo' c'est un truc d'ancêtre artisan, gosse des nineties, qui s'en fout royal d'être ringard, comme le flûtiau sauvage de "Tiger Crane", son beat qui pue le Cypress préhisto. Comme ces samples à faire passer la poussière d'un MF Doom pour paillettes, ces synthés qui sentent la tisane, ou ce Balavoine sous hélium qui fait marrer. Stup Forever fait souvent dans la relique boom bap, tendrement punchy, pelucheux. Peureux. C'est l'album d'un vieil enfant déjà un peu fantôme, mais qui remplira cette énième mission du Crou, au-delà d'un fan-service blasé (malgré les apparences). Et livrera quelques clés en douce, aux oreilles attentives, à la lueur de la pleine Lune. Et ceux qui l'ont suivi depuis longtemps entendront. L'empathie a la dent dure, même si les pâtes sont trop cuites. Stup Forever est chaud même si un peu laid et triste, comme un bol de Nesquik savouré à quarante ans. Stup fait un pas en arrière pour mieux sauter... sur le canapé ? Son tabassage est comme étouffé, Stup-silencieux, y a des coussins dans les beats, le flow porte des pantoufles même pour piquer un sprint ("Cosmos 1999"). King Ju depuis qu'il a fait exploser la cagnotte en ligne, a découvert la malédiction des concerts, le dégoût des gens partout, l'enfant s'est recroquevillé, re-bunkerisé. "J'viens d'refuser un Bercy, man", pour citer son reggae. Stupeflip, est plus que jamais tassé dans sa chambre-studio. Il a l'arrière-goût de la lassitude qui touche ces connards d'adultes, et qu'il veut taper avec son bâton, comme Guignol la marionnette psychopathe. Flippé toujours, mais terne, son rap de peluche contrariée sent vraiment la retraite, et la mort qui vient. Même Pop-Hip, devenu zombie ! Périmé, Stupeflip ? Oui, même si déjà verdâtre il peut placer quelques petites bastos, dans ce son Stup-calfeutré, comme un John Rambo camouflé dans la Stup-moisissure. Tiédi par ce Stup en demi-teinte, j'étais chaud pour conclure par trois boules, parce que Stup Virus m'a plus parlé, parce que le Stup en 2022 n'a plus grand chose à dire, même si ça fait du bien de l'entendre causer, même quand il sonne un peu forcé... Mais "Les Voûtes" tape au cœur du spleen, avec une violente douceur, hantée par la vieille punchline "memento mori". Variété froide oubliée dans le fond du congélo des années 80, cette chanson passe au 'cro-ondes quelques clichés sur le temps qui passe, et fout un peu beaucoup les boules, avec cette poésie typique du King Ju... "Qu'est-ce qui va nous survivre ? Les chaises, les canapés, les poignées d'porte, les lampes et les cendriers". On va tous crever, mais "Stay positiv". Stup est rassis mais pas mort, reste assis sinon il t'mord ! Mort-vivant, comme Pop-Hip, Stupeflip avance vers toi, tranquillement.