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Colette Magny › Inédits 91

cd • 15 titres • 48:16 min

  • 1Rap'toi d'là que je m'y mette17:22
  • 2Love me tender2:22
  • 3La terre acquise3:15
  • 4Chanson de la plus haute tour1:12
  • 5Les Tuileries2:22
  • 6900 miles3:08
  • 7Melocoton1:36
  • 8Richard II Quarante2:22
  • 9Heure Grave1:47
  • 10Saint James Infirmary2:17
  • 11La parole doit sortir du cœur1:44
  • 12L'eau, c'est la souffrance des femmes1:51
  • 13Le ventre blanc du corbeau1:45
  • 14J'ai le tournis1:19
  • 15La vie antérieure3:47

informations

Enregistré par Dominique Samarcq au studio Sysmo Records.

line up

Colette Magny (voix), Michel Précastelli (piano, synthétiseurs, direction musicale), Danièle Dumas (soprano, clarinette basse), Xavier Cobo (saxophone ténor, flûte), Marc-Michel Le Bévillon (contrebasse), François Laizeau (batterie, percussions)

Musiciens additionnels : Frédéric Viscomte (violon), Thierry Cadé (violon), Jacques Borsarello (alto), Philippe Nadal (violoncelle)

chronique

Avec son titre digne d’une compilation post-mortem, le quinzième album de Colette Magny a tout de l’ultime révérence en bout de parcours. Projet autofinancé par son association de loi 1901, Inédits 91 est un des derniers efforts d’une femme toujours en colère et révoltée contre les injustices malgré la maladie. Un emprunt contracté pour payer le prix de la liberté, s’autoriser "un plaisir, un besoin" et changer la routine de la machine à écrire. Retirée dans son village de campagne, la chanteuse à la santé déclinante y continue de lutter, afin de prouver à elle-même que sa voix n’est pas encore éteinte, que sa gorge est encore capable de se déployer. À cor et à cri. Pour l’y aider, Michel Précastelli – qui assurait déjà la direction musicale pour Kevork en 1989 – se remet au piano et vient gérer la petite troupe de jazzmen qui ont fait le déplacement jusqu’au studio. Difficile de faire renaître la flamme rouge à l’ère mitterrandienne, en particulier quand le corps et l’esprit n’ont plus la flamme d’antan… Le premier titre, chanson-fleuve d’un gros quart d’heure, est peut-être le plus déconcertant de toute la discographie de Magny (ce qui n’est, ici, pas forcément une bonne chose) : "Rap’toi d’là que je m’y mette" est un genre de slam jazz-rap brûlant sur des rythmes synthétiques à petit budget, agrémenté d’un zeste de free jazz, sur lequel viennent se coller des p’tits bouts de chanson à texte (presque réaliste) à l’accordéon, comme un dialogue en différé avec Francesca Solleville. La mémé punk y crache la conscience de son état de décrépitude mais multiplie aussi les dénonciations visionnaires, notamment contre les médias et l’attitude du zappeur lambda, son cogito n’allant pas plus loin que la lunette du poste de télévision. En revanche, et pour la première fois, elle paraît très tôt adopter une posture méfiante, presque réac’ vis-à-vis du hip hop ("On n'a même plus besoin de chanter, la musique est en danger") ; et il faut admettre que musicalement, si l’arrangement cherche sans doute à rassembler trois générations bien distinctes, les dix premières minutes ont un aspect étrangement mollasson et décousu. Heureusement advient, en fin de piste, un quatuor à cordes à la tessiture jazz-crossover typique de la MFA des années 90 ; jazz qu’on retrouvera disséminé dans les petits formats à suivre, où l’on trouve un peu de tout. Une majorité de reprises (Elvis Presley, Woody Guthrie et le "Saint-James Infirmary" qui a fait connaître le timbre bluesy extraordinaire de l’interprète) à l’effet aussi rassurant que celui de poèmes mis en musique : on chante Rimbaud, Hugo, Aragon et Rilke pour habiller une reprise (assez maigre) du fameux "Melocoton". En tout état de cause, les inédits sont bien là ; face à l’image qu’elle renvoie, revers de la jeunesse du pastel en couverture, Colette Magny parle de l’amour et de la vie comme forces irrésistibles, même si parfois, et quel que soit l'âge, on trouve toujours des circonstances atténuantes au bonheur. Le discours politisé est, lui, tourné vers un milieu rural d'où l'on apprend, de loin, les mauvaises nouvelles du monde. La voix n’est plus si portante, on la sent un brin fatiguée ("La terre acquise") bien qu’elle ressurgisse par instants ; de fait, on n’aurait pas tort de voir dans "La parole doit sortir du cœur" et son ragtime enjoué, un condensé des forces et faiblesses du disque tout entier. Le choix de finir en tonalité mineure sur "La vie antérieure" de Charles Baudelaire est parfaitement réfléchi : Magny se laisse aller au spleen, à la mélancolie, tire un trait. "Je ne sers à rien", dira-t-elle à la télévision une fois le disque réalisé. Sa gueule se referme gravement, lassée de s’élancer vainement contre les moulins. Un Drame Musical Instantané avait vu juste : il y avait une urgence dans leur meeting de 1991. Urgence avant le grand gâchis d’une voix tuée à petit feu.

note       Publiée le vendredi 8 décembre 2017

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    DukeOfPrunes Envoyez un message privé àDukeOfPrunes
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    Oui, Magny incomprise jusqu'au bout par le "grand public", rendez-vous toujours manqué après Melocoton. Je n'ai pas pu me rendre à l'exposition qui lui était consacrée, mais j'imagine qu'il devait y avoir des trésors, y compris des vidéos. C'est en effet un plaisir de l'entendre s'exprimer, en 1991 elle a encore de la niaque, mais je crois me souvenir l'avoir vue dans l'émission de Pascal Sevran, plus tard, où elle semblait avoir perdu sa verve et vivre dans le souvenir...

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    Rastignac Envoyez un message privé àRastignac
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    En lisant la chronique, je me suis dit que j'allais regarder un peu ce qui reste comme archives vidéo, de ses interviews. Celle de 91 est très mal montée (la musique couvre souvent ce qu'elle dit), mais oui, ça sent bien la grosse fatigue. Et puis, quand même, jusqu'au bout, les journalistes ont du mal à la comprendre, posent des questions à côté de la plaque, elle a l'air souvent exaspérée devant une espèce de mur d'incompréhension, de journalistes jouasses qui semblent pas comprendre pourquoi elle est en colère, et pourquoi ce monde lui semble si dégueulasse. C'est réjouissant de l'entendre parler quand même.