Elektro Hafız › Elektro Hafız Dub

Déjà que le produit d’origine était bien chargé, voici que Elektro Hafız, ancien maitre-queue des excentriques Fairuz Derin Bulut, confie son premier album aux petits soins de toute une bande d’alchimistes dub/électro. Du dubmix à la louche, on garde le saz électrique psyché et on augmente la puissance du beat, on étire la matière, on la rend encore plus élastique, on fait bien claquer les percus dans les chambres d’échos et on fluidifie tout ça avec des feuilles à rouler façon Scientist. Dès l’entrée en matière de Grup Ses, qui contrairement à ce que son nom indique est un seul producteur, ça touille le rock anatolien déjà bien défoncé de Elektro Hafız façon dubstep, du genre que pratique toute une scène qu’on peut voir tourner à l’Arkaoda, un lieu culte de Kadıköy. Si le français Fedayi Pacha, coutumier dans l’exercice dub oriental, met aussi les mains à la pâte sur le morceau le plus évident, le plus directement efficace, les stambouliotes de Komadub (déjà remixeur de Kim Ki O) ou Onofon (ingénieur du son de Fairuz Derin Bulut mais aussi des synth-goths She Past Away) n’hésitent pas à dubber à mort les originaux, poussant à fond sur l’aspect atmosphérique, textural du genre, remisant le psychédélisme rock en arrière plan, dans un brouillard synthétique machouillé comme un chewing-gum interminable, ah, cette version de « Ne Dideyim » merveilleusement, sensuellement ankylosée. Déjà bien imbibés du dub à la base, tous les morceaux se prêtent à l’opération comme des ingrédients destinés à être dépliés en échos divers et variés, au chaloupement feignasse, bondissants en miniature dans les basses mais sans plus de voix de rastaman. Reste celle de « Deutsche Freunde », transmuté en grosse badasserie dubdancefloor par Hey Douglas, remixeur récidiviste en la matière, spécialiste de l’assaisonnement anatolian pop sous forme d’électro orientalo-funky, avec du beat qui cingle, ça réveille bien de la chape de torpeur vaporeuse sans céder à la facilité de la linéarité. Dancefloor mais ni putasse ni facile, comme toutes les versions proposées ici. Evidemment, faut aimer le dub. Mais qui n’aime pas le dub ? Disons que faut vraiment aimer le dub, et alors on se régale de la nouvelle mouture de « Dub-i Akbar », avec sa voix féminine éthérée qui circule en rond dans cette volute où l’ouïe semble se dédoubler dans un lent tourbillon de fumée parfumée. Tout est comme ça, tout tourne et tout vire. Ca kaléidoscope la matière originale, déjà bien dubbée, en instrumentaux où un saz électrique se paume dans un jeu de miroirs déformant. C’est marqué dessus, on vous aura prévenu. DUB.