Ultra › Zoll

«Hey, do you have five dollars ?... Look, I really need five dollars... Come on, I need the money». Qui est-elle cette fille aguicheuse qui t'a abordé pour te demander de l'argent ? Une de ces pétasses camées qui traînent le samedi soir, à la recherche de l'étalon qui saura les satisfaire ? Et pourquoi aurait-elle besoin de ce fric ? Et pourquoi toi, dans ce bar pourri où le jukebox bave son sirop anxiogène ? En dessous, un métro lubrique va et vient dans son tunnel. Ferme-la, il n'y a rien à comprendre, c'est samedi soir, c'est tout. Il la regarde, tranquillement assis à une table. Il fait semblant de lire son journal. Il ne la lâche pas des yeux. Elle est debout, en train de parler à un inconnu. Il fait chaud. Des mouches virevoltent dans l'air vicié. C'est samedi soir. Il transpire à grosses gouttes. Il s'imagine avec elle, l'amenant chez lui, pour la prendre. Elle ne se laisserait pas faire. Il aimerait ça. Il imagine un rapport contre-nature et forcé. Son pouls s'accélère. Les pages de son journal se tournent toutes seules. Les mouches sont de plus en plus nombreuses, elles épousent son corps, lui bouffent le visage, se glissent dans sa gorge, il étouffe, se raidit, la fille tourne la tête, il exulte de plaisir. Il collectionne silencieusement les insectes, les oiseaux, les poupées. Quand les voisins font trop de bruit, il se réfugie dans sa pièce secrète, et sort sa collection des vitrines. Libérés, ses petits protégés reprennent peu à peu vie. Les insectes dansent autour de lui, les oiseaux chantent pour lui, et sa poupée, oh mon dieu, sa belle poupée désarticulée, le regarde tranquillement de ses yeux d'orme, confortablement assise dans le fauteuil. Mais quand le chant des oiseaux devient cacophonie, que les insectes lui bouffent les mains, que sa poupée ne le regarde plus, il se réfugie dans sa tête, et sort ses névroses de son crâne. Elle déambule le long du lit, d'un déhanché aguicheur. L'homme se tient droit. Elle s'approche lentement. La distance qui les sépare se réduit de moitié. Il fait chaud. Elle transpire légèrement. Il regarde droit devant lui, droit dans les yeux de la fille. La distance qui les sépare se réduit encore de moitié. Son esprit est ailleurs, elle est déjà partie, elle entend à peine la sirène au loin. Le pouls de l'homme s'accèlère, sa mâchoire se crispe, son poing se ferme légèrement. Elle est tout contre lui, entrouvre ses lèvres, ferme les yeux, se laisse embrasser, s'abandonne. Elle ne devait pas partir. Elle était si bien avec moi. Elle aimait nos séances. Pourquoi est-elle partie ? J'étais pas assez bon, c'est ça ? Pourtant je la faisais jouir comme personne. Les voisins l'entendaient crier du matin au soir. Et pas que de plaisir. Elle était si bien avec moi.