Jesu › Conqueror

Que voilà un intitulé d'album bien agressif pour un album à la tonalité beaucoup plus apaisée. Pourtant il est vrai que Jesu part à la conquête de nouveaux territoires, ceux cartographiés par le mini "Silver" l'an dernier. Alors, un Jesu transfiguré comme le suggère le morceau du même nom ? Hé bien en effet : si la dynamique des compositions de Justin Broadrick reste tributaire en grande partie d'un côté "heavy", elle est désormais soumise à cet aspect atmosphérique que l'on connaissait déjà. Le chant entièrement éthéré mêle nostalgie et attitude désabusée, la guitare est subordonnée aux accents "shoegazing" rappelant My Bloody Valentine voire les pièces les plus lentes de Jesus & Mary Chain, tandis que la section rythmique ponctue de façon métronimique les états d'âmes de Broadrick, sans déballage d'aucune sorte. C'est d'ailleurs une des faiblesses de l'album car s'il n'est en rien étonnant que l'architecture soit cohérente, il reste que la surface est un peu trop lisse et polie. La violence latente est ici absente de l'ordre du jour, Jesu s'engage dans une voie cheminant vers une forme de rédemption presque définitive (bonjour la phrase de schizophrène), encore que le maxi "Sun down / Sun rise" à paraître tende à prouver le contraire avec son orientation plus proche de "Heart ache". Le résultat de tout cela est que la structure de presque tous les morceaux est similaire ce qui achève de conférer une unité certaine à "Conqueror" mais le prive de cette aura et de cette force intériorisées propres à l'oeuvre de Justin Broadrick. Sans regretter le caractère glauque de Godflesh, un peu plus de hargne n'aurait pas été superflue. 3,5/6