Il est grand temps qu'je cause ici de Tristan Shone, cet artiste découvert grâce à SlowEnd (que le doom repose en paix). Bon sang d'encre, il est tellement "badasse" c'gars-là, qui fabrique ses méchants instruments lui-même ! Fou. Vous n'avez pas vu le docu, sur ce McGyver post-apocalyptique ? On dirait un guerrier du futur de la musique, et quand je dis futur je pense bien sûr dystopie. Mais dystopie sensuelle. Cette musique extrême, fabriquée par un artisan effrayant, colle au plus près du corps. C'est un futur possible, plausible, par l'humain, qui aura survécu à bien de ses saloperies, plutôt qu'un futur par les machines seules qui font tout toutes seules. Car ces histoires d'I.A. qui peut imiter la musique made in human, âme incluse, on y a jamais vraiment cru, au fond. On préfère celle des humains qui causent avec des machines.

Avec des machines comme celles de l'Auteur et Punisseur, inquiétantes bécanes hybrides tenues à bout de sueur, et leur hénaurme son excavateur, hanté, comme un cauchemar sublime ("Melee" !). Un humain du réel provoque et chasse les plus méchants cyborgs de la SF, concasse les récalcitrants, avec ses grandes mains velues d'animal intelligent, qui assemblent les instruments de sa DIY-stopie, par petits bouts de récupération. Un son ultra-rentre-dedans et atmosphérique à la fois, armé de textures qu'on peut pleinement sentir, palper. Un son du futur plus-que-présent, plein de métal mais qui évoque le passé des pierres, comme caresser le dos d'une carte-mère et y lire en braille des poèmes antiques. Comme si ce son-même nous palpait la dure-mère, avant d'y injecter ces images abstraites et saisissantes. Un son des contrastes par l'intensité quasi-permanente. Author & Punisher attaque organiquement, même par le synthétique. Musique du corps, en corps à corps, où l'âme passe de perceuse en berceuse. Le mécanicien est un maniaque, et il opère en profondeur. Un sifflement de canalisations, ou un crissement d'insecte ? Processeur ? Procession ? Un pouls féroce, le fumet d'immenses fusibles grillés dans le centre névralgique du grand Désorganisateur. Grésillement électronique plus épais qu'un container de guitares électriques, et rafales de voix difforme à travers plusieurs strates de mâchoires blindées. Collisions magnétiques. Des plaintes depuis les structures effondrées. C'est l'émotion qui jaillit par les interstices. Une chanson fébrile au piano, qui peut virer à la traque sentinelle... Le battement de cœur de l'homo sapiens agonisant ou triomphant à travers les kilotonnes de câbles et d'hydraulique. Ambiance... Rêves inquiétants de hautes statues, comme chez Broadrick. Passages à tabac romantiques dans des tunnels, comme chez Reznor. Visions de mortiers dans la Zone. Corrosion onirique. Le xénomorphe peut se rétracter dans son conduit d'aération : un soldat est venu, avec des outils.

Women & Children sculpte les ombres sales et les radiations Tcherenkov. Et dans toute sa charge massive déployée, par les rainures, les fissures, passe une forme de beauté cruelle. La lumière d'un vaisseau que vous croyez venu vous délivrer des ruines, mais qui en fait ne fait que passer récolter les survivants... Carpenterrible "Miles from home" - retour impossible. Préparez-vous à grincer des molaires en serrant fort le walkman. Préparez-vous à rester suspendu à des mélodies comme aux derniers bouts de papier, ceux qui n'ont pas encore été brûlés. Préparez-vous à sentir chaque attaque de beats au plus profond de la cage thoracique, tassant les organes... Car dans l'Espace en épave sur le parking désert de la banlieue d'Ausseure-Lès-Punichaire en ce milieu de nuit d'une année qui reste à déterminer, personne ne vous entendra crier.