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Poet And The Roots › Dread Beat An' Blood

1cd • 10 titres • 39:47 min

  • 1Dread Beat An’ Blood3:00
  • 2Five Nights Of Bleeding4:30
  • 3Doun Di Road2:27
  • 4Song Of Blood6:29
  • 5It Dread Inna Unglan (For George Lindo)4:05
  • 6Come Wi Goh Dung Deh3:47
  • 7Man Free (For Darcus Howe)6:02
  • 8All Wi' Doin' Is Defendin'3:03
  • 9Command Counsel*3:10
  • 10Defense (Dub)*3:14

informations

Enregistré aux Grooseberry Sound Studios par Dennis « Blackbeard » Bovell. Produit par Linton Kwesi Johnson.

Ce disque, d’abord sorti en 1978 par Front Line Records sous le nom d’artiste « collectif » Poet and the Roots, a été réédité en 1981 par Virgin sous le seul nom de Linton Kwesi Johnson. Les éditions subséquentes des deux labels ont continué de porter ces noms d’artistes différents. *Les plages 9 et 10 (deux versions dub de All Wi' Doin' Is Defendin') sont des bonus à l'édition CD Frontline.

line up

Dennis Bovell ("Blackbeard") (claviers, guitare), Jah Bunny (batterie, percussion), Linton Kwesi Johnson (voix), Floyd Lawson (basse, guitare rythmique), Vivian Weathers (basse, guitare rythmique, voix), John Varmon (guitare sur 8), Desmond Craig (claviers sur 8), Lila Weathers (voix sur 7)

chronique

C’est la nuit sur Londres. Les sachets verts circulent de mains en mains, le scotch et le rhum, eux, ne s’échangent pas – les flasques se vident, chacun pour soi. Entre les murs il y a trop de monde – au moins tout ça tient chaud : tord-boyaux, fumées, promiscuité. C’est la guerre parmi les rebelles – histoire de territoires, convoitises, le cran trop loin desdits échauffements, simplement. Les bouteilles se cassent aux comptoirs, le sang coule soudain sur les têtes à dreadlocks. Cette île-ci est bien trop au nord, dans les brumes – c’est dans un noir de glace, au dehors, qu’elles se font et flambent ou gèlent : rixes assassines et autres rencontres… En voilà une, tiens. Riche accident, celle-ci, ou toute logique saisie de justesse. Dennis Bovell, l’homme de tous ces sons là : meneur d’orchestres, entremetteur, presseur de dubplates – ces disques en acétate en exemplaires uniques, destinés aux sound systems, exclusivités, coups d’éclats permanents pour tenir les nuits des danseurs. Inventeur d’un dub local – profond comme au pays (la Jamaïque où d’ailleurs il n’est pas né, lui vient de la Barbade… mais peu importe, seule compte l’implantation, sa présence dans le milieu, active, décisive) mais durci de son, imprégné des essences anthracites locales, des fumets âcres. Un son rond, pourtant. Lourd, chargé, compact. Impact. En face – derrière la vitre du studio : Linton Kwesi Johnson. Activiste. Marxiste. Black Panther Branche Locale. Critique musical. Poète publié. Le verbe déjà là : vif, rage tenue, cibles précisément sues, patois approprié depuis son origine et dans cet air plus coupant ; encore vierge à sa voix. C’est le premier disque de ces deux là ensemble. Et ça n’a beau être qu’un début : il s’en passe ici de l’exceptionnel. De l’urgent, c’est certain. Un empressement dans le récité, l’assené – car déjà Johnson ne chante pas mais scande, raconte en empoignant le rythme, en s’en faisant élément saillant – qu’on ne trouvera plus guère dans cette discographie. Le débit parfois presque précipité, le ton en pointe, par moment presque déclamé – l’articulation typique déjà bien là mais le détachement encore à venir. LKJ parle échauffourées absurdes, donc, affrontements de gangs et d’égos ; répliques aux forces d’un Ordre qu’il nomme frontalement oppression ; manifs et répressions, meurtres et incarcérations comme abus délibérés, armes du pouvoir. D’autres se joignent, aussi, à ce fil, à ce flot de colère roulée : chant en falsetto rasta, organes aux accents marqués, sound-system, disais-je : appels et répons, renvois, rebonds. Et c’est cette impression, aussi, que donne le son du disque, la musique, simplement – ce dub d’une densité prenante, présence matérielle, frappante, le pouls du fameux skank, ici métallique au toucher, qui cisaille et perce les renflements vastes et débordants, roulants, de la basse. Espace où tous – avec LKJ – passent et jettent leur attaque et leur offrande. Quelque chose se joue qui n’est pas encore fixé. La richesse du jeu – les claviers de Bovell et ses dérives jazz ramenées à l’empan de ces morceaux serrés, mors au dent, Molotov à portée de main. Tout est mêlé plus étroitement que dans les disques à venir, certains éclats encore en germe, certaines ambiguïtés – dualités même – pour l’instant embrassées comme évidence du feu de l’action. La méfiance de Johnson envers le rastafarisme – pour lui à priori simple variante, autre variété d’anesthésiant religieux – n’empêchant pas encore qu’avec ceux-là en rouge-vert-or il jette le mot d’ordre, sans rien expliciter, sans même induire, de cette défiance, sa probable indécision. (On écoutera par exemple Street 66 sur Bass Culture, à peine deux ans plus tard, pour mesurer le changement d’angle – là, ce sentiment double fera césure, de cette foi saisie comme force propulsive, subversive mais en même temps comme un détournement de l’effort vers des buts trop partiels, locaux, mythiques ; ici, sur Dread Beat An Blood, elle n’est que l’un des combustibles). Plus tard les arrangements se raffineront, effileront leur tranchant en clarifiant les lignes, chercheront pivots et bascules en s’abreuvant à d’autres sources – africaines, calypso, singulièrement, dans la guitare de John Kpiaye, encore absent pour l’heure ; ici leur force est toute muscle et grondements, réverbérations en éclaires aveuglant et maillage impénétrable, consomption noire et luisances aux vitesses de mercure. L’heure arrivera des assauts et sabotages soigneusement planifiés, montés ; c'est celle pour l’instant de la première percée – à chaud et sans cesser jamais de courir avant d’avoir emporté l’objectif et perdu la patrouille. Et Londres est un hiver ou siffle le fracas et monte la nuée blanc-mat d’une condensation soudaine.

note       Publiée le lundi 3 mars 2014

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    Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

    Je l'ai adopté, il y a qq temps déja, mais c'est vrai qu'il tourne moins que Bass culture dans ma chaumière, inexplicablement. Dans la série coupure de journaux, presque morts mais pourtant récent : http://www.article11.info/?Linton-Kwesi-Johnson-Inglan-is-a#a_titre. Pas d'accord avec tout, surtout sur la paire antinomique que serait les Clash - Thatcher.

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