Gorguts › Colored Sands

À un moment ou un autre il faut bien se lancer. Depuis sa sortie ce nouveau Gorguts (qu'on n'attendait plus) ne quitte pas mes oreilles. Mes journées se résument à une hésitation binaire : j'écoute Kayo Dot ou Gorguts ? Les deux sont tellement denses ; d'une densité presque opaque de fourmillement. Touffu, riche, excessif. Je n'ai jamais été un fan de Gorguts, Obscura est un album vraiment mortel, mais je ne l'écoute presque jamais. Faut être en condition, quand même. J'ai l'impression que ce Colored Sands est, en comparaison, beaucoup plus facile ; facile au sens de fluide. Technique, toujours. Étrange, toujours. Mais tubesque, ça alors ! Je ne m'y attendais pas. Tubesque à la mode de maintenant, hein. Car Gorguts n'est pas resté dans sa grotte depuis tout ce temps. Sur le fil de l'actualité, des nouveaux groupes chaotiques, dissonants, de ce nouveau metal influencé par eux. C'est assez marrant quand on pense, la façon qu'ils ont, là, de se laisser influencer par des groupes qu'ils ont eux-mêmes influencés. Mais il y a... quelque chose en plus, disons. Quelque chose héritée de Negativa. Une espèce de maîtrise quasi obsessionnelle des rythmiques axiomatiques ("an ocean of wisdom", essayez de compter on va rire) sur un fond mythologique qui hésiterait entre Lovecraft et Herbert ("an ocean of wisdom", toujours, et son riff complètement malade). Comme la grande chevauchée d'un Shai-Hulud à la recherche de Yog Sothoth (ça ferait un bon titre de film ça). Obscura était un pur objet mental, conceptuel et abstrait. Colored Sands c'est plutôt la nuit qui suit une journée trop longue à étudier les secrets de l'univers, une nuit de rêves, de cauchemars, de suées et de sursauts, de spasmes et de voix hautes. C'est pas Colored Sands qu'ils auraient du l'appeler, mais Quicksand. Sables mouvant. Parce que je peux vous jurer qu'on s'y enfonce, profondément. Ça lui confère un côté insaisissable, géométriquement instable, et surtout cinématographique. Ce que vient confirmer cet interlude trop de long de bande originale en mode fantastique, à grand renfort d'instruments classique. Clairement la grosse erreur. Son côté "fantôme" ne correspond pas à l'atmosphère globale, et casse maladroitement la fureur enlevée et contrôlée d'un album qui n'a pas besoin de respirer. Ça n'enlève rien au meta-death inatteignable que le groupe est parvenu à nous offrir, imbattable sur son propre terrain, mais ça lui empêche de gagner la note maximale. Un tel degré d'exigence se mérite d'être partagé, non ?