Certains prétendent que le pays où l'on vit à une influence sur la musique que l'on compose; je pense que tout le monde s'accorde sur l'idée qu'effectivement les sables d'Egypte sont peu propices à l'electro froide et que la Finlande n'est pas le pays de la salsa...Mais les limites sont-elles encore si claires quand on trouve du black metal en Afghanistan, du punk au Groenland ou du gothic rock aux Philippines ? Cas particuliers, voir d'école, me direz-vous, qui n'ont rien à voir avec la majorité. Tenez, prenez Singapore Sling, un combo gavé de Jesus and The Mary Chain et de Velvet Underground, ils viennent forcément des USA, éventuellement de Grande-Bretagne...Ces rythmes paresseux, ces guitares malmenées d'effets psychédéliques, ces fuzzs diaboliques, cette touche d'orgue vaguement garage et ce chant légèrement en retrait qui paraît flotter dans l'air, ça ne trompe pas...Et pourtant les Singapore Sling viennent d'Islande ! Avec leur teint blafard, leurs perfectos et leurs Wayfarers, je vous concède qu'ils ne correspondent pas à l'archétype que le citoyen lambda se fait du viking nordique mais les préjugés sont justement là pour être balayés. 'The curse the life the blood' compile dix chansons tirées de leurs trois premiers albums (dispos uniquement en import) et permet de se familiariser avec un univers où les pilules absorbées ne sont pas des aspirines, sans pour autant tomber dans les excès de Brian Jonestown Massacre (souvent cité en influence), ce qui s'entend. Rock crasseux, narcotique mais sans délire outrancier, accords monochromes et vénéneux sans égarement dans des improvisations sans fin...Singapore Sling ne font pas non plus dans la bluette; il y a quelque chose du désenchantement des frères Reid dans ses lignes-là et ce sont bien des brumes de shoegaze que l'on détecte par-ci par-là, voir un léger remugle stoogien. La faiblesse du groupe, c'est qu'une foule de nom vient à l'esprit à l'écoute de leur musique: The Jesus and Mary Chain, The Dandy Warhols, The Velvet Underground, Black Rebel Motrocycle Club...Leur force est que ces mecs ont vraiment du chien, leur musique est remarquable de cohérence et l'on sent bien qu'ils ne sont pas juste un phénomène hype, eux qui ont crée, enregistré sur leur île sans attendre que ceux qui font la hype se souviennent que Reykjavik est une vraie ville figurant sur la carte du monde; ils ont ça (et peut-être d'autres trucs louches) dans le sang. Musique toxique, intense, un brin menaçante, un brin mutine, fille des caves de Reykjavik et non de New-York ou de Londres...Et dire qu'on avait loupé trois disques ?!?