Icydawn › War rumbles

Pour un esthète et collectionneur tel que Sacha Rovelli, voir son propre projet franchir enfin le cap du vinyle a dû représenter un bel accomplissement tant émotionnel qu'artistique. Collectant une musique conçue pour accompagner l'exposition 'Guerre- dieci anni di immagini' du reporter Gianluca Grossi (présentée à Bellinzone en 2010), l'enregistrement témoigne d'un savoir-faire toujours mieux maîtrisé en matière de manipulation des sources sonores. Une telle thématique n'est jamais aisée; où s'arrête le devoir de mémoire ? Où débute le voyeurisme ? Comment apprécier un disque sans les images l'ayant inspiré ? En l'écoutant comme une b.o. de film car c'est bien de cela dont il s'agit. Débutant sur un thème qui n'est pas sans évoquer le style de John Carpenter, Sacha nous plonge ensuite au coeur de l'action en laissant les images s'animer d'elles-mêmes dans notre esprit par le bief des canaux auditifs. Collages de bribes vocales, nappes, bruits (crées ou saisis en 'field recording') permettent à l'auditeur de monter ses propres vidéo, comme un puzzle. On imagine si aisément les personnes photographiées se mettre à bouger ou, au contraire, celles filmées se figer comme pour immortaliser un état de fait, un ensemble de sensations. Comment vit-on sa vie quotidienne dans un territoire en conflit ? Quels sentiments prédominent ? Peur, tension, absence de silence, de paix...Nulle agressivité frontale, l'approche se veut plus intimiste et par là-même, plus dérangeante, insidieuse. Les structures bouclées rigoureusement, la sécheresse des percussions, évoquent la désolation tant physique que morale après les ravages de la guerre, le pilonnage de sens, et servent de support à l'auditeur pour qu'il puisse mieux ressentir et comprendre. Le pari n'était pas gagné mais Sacha s'en sort haut la main en proposant une lecture à la fois personnelle et universelle d'un sujet hélas trop présent dans l'histoire de l'humanité. Tout est dans la pochette. 'Who killed Bambi ?', chantait Tenpole Tudor...Effectivement, qui tue l'innocence ? Car le conflit commence à l'intérieur de chaque individu.