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Albert King › Born Under A Bad Sign

cd • 11 titres • 34:43 min

  • 1Born Under A Bad Sign2:45
  • 2Crosscut Saw2:34
  • 3Kansas City2:33
  • 4Oh Pretty Woman2:47
  • 5Down Don’t Bother Me2:11
  • 6The Hunter2:45
  • 7I Almost Lost My Mind3:31
  • 8Personal Manager4:30
  • 9Landromat Blues3:23
  • 10As The Years Go Passing By3:47
  • 11The Vey Thought Of You3:47

informations

Enregistré les 3 mars (9), 3 août (4), 2 novembre (2 et 5) 1966 ; 17 mai (1 et 8), 9 juin (3, 6, 7, 10 et 11) 1967.

line up

Isaac Hayes (piano), Wayne Jackson (trompette), Albert King (guitare, voix), Steve Cropper (guitare), Booker T. Jones (piano), Donald « Duck » Dunn (basse), Al Jackson Jr. (batterie) ; Andrew Love (saxophone), Joe Arnold (saxophone)

chronique

Drôle d’époque pour le blues. La fin de sa pertinence ? Sa résurrection ? Une affaire de paradoxe, toujours. L’après guerre, pour le genre, avait été une longue période de tiraillements. Les anciens disparaissaient – l'inéluctable au bout des âges. Sur ceux qui restaient – alors que beaucoup avaient lâché la rampe, le manche, la musique, simplement, repartis brûler le dur, chercher labeur et pitance – le jour nouveau jetait son engouement. De jeunes Anglais pâlichons exhumaient des fantômes d’un autre sud – plus bas que cette ligne Mason-Dixon, de part et d’autre de quoi l’Amérique avait fait autrefois sécession et guerre attenante. Dans la foulée – au pays comme en Albion – des vieux, des survivants, se retrouvaient sur scène : béats, béatifiés, stupéfaits d’être là ; les gamins jouaient derrière, tout aise de montrer leur héros, de les tirer de l’oubli, de leurs retraites. Dans l’intervalle, bien sûr, d’autres étaient apparus. Plus électriques, plus agressifs, assez gueulards pour couvrir les fracas, assez agiles pour slalomer entre les obstacles, les véhicules lancés dans la vitesse nouvelle des villes. A ce point de l’histoire, c’est sûr, le genre se devait de muter. De s’hybrider. Sous peine, justement, de se figer en Genre – affaire entendue, cas classé ; les questions de style passant au rang des déclinaisons, de l’exercice, de la simple marque commerciale plutôt que de l’art propre, singulier, mépris de la norme ; les thèmes par chacun saisis et malaxés, autrefois, arrêtés en canons, rime prévisible, même obligée, automatique. Variations en langue morte… Albert King jouait comme personne. Littéralement, d’ailleurs, du simple point de vue mécanique. Parce qu’à l’envers. En gaucher, mais sur une guitare de droitier, sans rien changer à l’ordre des cordes dans leur montage. Retournée, sa main adaptant le geste et les trajectoires à cette curieuse symétrie. Albert King jouait électrique – très électrique, avec ce son mordant, distorsion acide et sèche, glissés coupants, attaques perçantes et phrases longuement vocalisées. Comme à Chicago. Mais King était de Memphis. A Memphis, il y avait Stax. Et les gens du label, noir et blancs, hommes et femmes – depuis neuf ans, au dit point de l’histoire – s’étaient jetés corps et âmes dans la soul. La plus lestée, la plus élevée, la plus poissée des jus du peuple, la plus embrasée en ses cieux visés, espérés, poursuivi sans relâche. Une musique incarnée et vibrante de foi. C’est là que nous trouvons King. Derrière lui, un groupe au tonus musculaire, à la souplesse... étonnants, inédits pour le blues. Mais chacun de ses membres complètement au fait des racines et surgeons, rompus à tous les écarts ; tous habitués à jouer serré. Les mêmes, de fait, qui à la même époque portaient les voix d’Otis Redding, Rufus Thomas, Carla Thomas… Propulsaient le gospel explosant des Staple Singers. King, lui, tenait sans doute là sa fameuse Flying V (une Gibson donc, nommée Lucy). Encore, ici, sur le fil du typique, du folklorique : les clichés qu’on aurait soupçonné à l’énoncé – rien que le titre (et la pochette donc) : est-ce un condensé ou bien un ramassis ? – contrariés, renversés par l’idiome rude et neuf. En musique : par ce phrasé aux traits brefs, mais articulés en longues phrases aérées. Les cuivres – comme dans la soul, donc, puisque c’en était aussi, et de la non frelatée – ramenaient le jazz, le taillaient en masses idoines pour ces course compactes et alanguissements vastes. Il y avait du chant, dans la rudesse, qui cette fois triomphait – chant calé, chant qui voulait se tenir au-dessus de la résistance. La Misère avait changé de formes. C’était un temps de lutte. Il fallait affirmer le triomphe à portée – au moins, la volonté qui ne lâchait rien. Le tourment même de la chair – ô pertes, ô retours – serait là histoire de sensualité vive, de saut par dessus le vide. De poussée bien plus haut que le sol. Le monde, alors, subissait les assauts. Une génération voulait le renverser, en subvertir la charge morte, les lestes mortifères. Le blues changeait de sens. Il se faisait cri de gloire – même si tout n’était encore qu’intention : c’était après tout dans l’incessant et fort mouvement qu’elle se voulait réaliser. Ça n’allait pas durer, bien sûr. Ils arriveraient, les fameux disques de genre, les exercices de spécialistes. Les passeurs et diseurs véritables devraient reprendre le fardeau, jouer dans les interstices. Mais là c’est autre chose, c’est autrement sans tare, sans nul besoin de ruse. Il ne faudrait pas confondre le présage et son malheur. (Car s’il nous avertit, c’est qu’il faut s’apprêter à l’écart salutaire).

note       Publiée le jeudi 23 janvier 2014

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    dimegoat Envoyez un message privé àdimegoat
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    Le dernier des grands King n'est plus...

    Raven Envoyez un message privé àRaven
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    Pas de souci, j'ai toujours un peu craint Berlin de l'oncle Lou pour les même raisons en fait... je note, et bifurque sur Hoodoo (vrai que la pochette a son truc, j'avais pas capté, me rappelle une torturée de Miles, ou Threadgill je sais plus; mais peu importe...hoodoo me voilou!)

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    ("C'est sans danger", à défaut d'être sans Danzig, hum... Glennou, pose cette batte, je déconnais).

    Bah (double) de rien.

    Bon, si les cuivres te gâchent un poil le plaisir, possible que le Live Wire/Blues Power te cause plus, du coup, vu qu'ils en sont absents. Après, moi ils ne m'ont jamais dérangé - Albert King est un des rares chez qui j'ai jamais l'impression qu'ils sont en trop. Et là c'est du haut niveau qui sait jouer assez serré pour pas que ça clinque de trop, justement, je trouve. (En passant et même si rien à voir : Dada a raison de souligner ailleurs que le gars a été une grosse influ sur Hendrix. Même dans le son, je trouve, sur les trucs les plus "purement" blues du plus-jeune-des-deux-gauchers - genre Red House etc.). Et pour la nudité, pas impossible non-plus que le Junior Wells avec Buddy Guy chro juste avant (Hoodoo Man Blues et sa pochette qui calme) soit poil pour toi dans le style, du coup !

    Content de voir en tout cas qu'il y en a que ça rend curieux, cette série prévue depuis un moment (certains de ces disques, j'y pense depuis que je m'appelle plus Oualtèreu, hein(...)). Par contre pour le moment je suis arrivé au bout de ceux dont je voulais vous parler, à priori. Y'en aura sans doute quelques uns, de ces bleus là, qui sortiront de temps à autre mais pour l'heure je pense passer à un peu autre chose. (Si).

    Raven Envoyez un message privé àRaven
    avatar

    Celui-ci m'a direct tapé dans l'oeil, merci, et je crois qu'il est pas loin de me taper sérieusement dans l'oreille, même si je devrais passer par delà le bariolage de cuivres (désolé pour eux et la marque sonore d'une époque mais je me demande comme souvent pour le peu que je connais : le blues, n'est-ce pas encore plus percutant et "blues" quand c'est juste lâché aux cordes, direct à l'os - sans le bling bling du souffle ? Professeur Bleu de Breath, éclairez-moi svp). Sinon pour Danzig je m'étais toujours un peu posé la question de la reprise sans vérifier - ça aussi c'est cool... aie-je bien besoin d'encourager notre marathon-chroniqueur Dioneo de surtout pas flancher maintenant ? ;)... Dustin Bluesman...