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Vous êtes ici › Les groupes / artistes › L › Ruggero Leoncavallo (1857-1919) › Pagliacci
The Academy of Music, Philadelphie, Etats-Unis, février 1992.
Philadelphia Orchestra, Riccardo Muti (direction). Distribution vocale : Luciano Pavarotti (Canio/Pagliaccio), Daniela Dessi (Nedda/Colombina), Juan Pons (Tonio/Taddeo), Paolo Coni (Silvio), Ernesto Gavazzi (Peppe/Arlecchino), Westminster Symphonic Choir, Philadelphia Boys Choir (choeurs).
Même si j'ai beaucoup de mal à supporter la voix cassante et l'emphase excessive du gros Pavarotti, force est de constater que sa technique de chant et sa virtuosité sans faille le servent bien, ici comme ailleurs. Le reste de la distribution est également honorable. Toutefois, la version présentée ici (la seule que j'avais sous la main, vous m'en voyez désolé), n'est pas la meilleure. Là encore, il faut préférer Karajan (chez Deutsche Grammophon), surtout à cause de l'ébouissant Carlo Bergonzi, ténor dont la richesse du timbre, la souplesse, sont si supérieures à celles de Pavarotti, "star" lyrique ô combien agaçante.
Livret de 120 pages. Texte intégral traduit en Français.
Souvent représenté en même temps que "Cavalleria rusticana" de Pietro Mascagni, "Paggliacci" (Paillasse) en est en quelque sorte le jumeau. Il ne fut créé que deux ans plus tard en 1892 (soit un an avant la "Manon Lescaut" de Puccini) et il en reprend les mêmes données : tragédie dévoyée, réalisme forcené, unités de temps et de lieu, drame bref et féroce, chanteurs peu nombreux, et surtout ce parti-pris de mêler une musique d'essence populaire à cette incroyable violence, brutalité de l'action et des sentiments exprimés. D'un point de vue musical, là non plus, impossible de se défaire tout à fait de Verdi, même si le choix du syllabisme constant pour le chant donne parfois des effets impressionnants (le prologue est magnifique), et même si la virtuosité de certaines parties orchestrales jouant avec la polyphonie du chant choral (le lever de rideau des deux actes) peuvent donner des effets superbes, avec quelques échos wagnériens ici ou là (et je ne parle pas de l'emploi des leitmotive qui se banalise). L'opéra italien nouveau, "vériste", confirme brillamment son avancée, et il verra sa consécration définitive avec Puccini (quoique Verdi écrase tout ça avec son ultime "Falstaff" de 1893, mais c'est une autre histoire). Là où Leoncavallo se démarque véritablement de la concurrence, c'est dans l'originalité de son livret (qu'il écrit lui-même). Cette histoire est à présent bien connue : une petite troupe de commedia dell' arte qui sillonne les routes italiennes pour y représenter l'éternel spectacle de Colombine qui trompe son mari Paillasse, triste bouffon à la figure enfarinée, avec le bel Arlequin, sous l'oeil avide de l'infâme bossu Taddeo. Mais tandis que la comédie se répète tous les soirs sur la scène, dans la réalité, Nedda/Colombine, épouse de Canio/Paillasse(Pagliaccio), trompe réellement son mari avec Silvio. Tonio/Taddeo, lui-même éconduit avec mépris par Nedda, jaloux, la trahit. Et l'acte final se joue sur scène (c'est-à-dire une scène sur la scène, vous suivez ?) dans une mise en abyme fascinante : Canio ne peut plus contenir sa fureur, il doit jouer le rôle de Paillasse, le mari trompé, alors qu'il l'est réellement par cette Nedda/Colombine arrogante, et les répliques de la vérité et du mensonge se font dramatiquement écho. Le théâtre dans le théâtre, la réalité dans la fiction, les sentiments vrais et les sentiments feints, le rire qui doit cacher les larmes... Bien sûr, il s'agit d'une thématique shakespearienne classique (voir aussi l'avertissement du prologue, qui nous parle d'un fait réel mis en scène, ou celui de Canio : le théâtre et la vie sont deux choses différentes... Pas si sûr). Mais la force, l'émotion qu'elle suscite grâce à l'efficacité de la mise en musique de Leoncavallo, valent le coup d'oreille. En même temps, on peut bien évidemment entendre la célèbre plainte de Canio : "Ridi, Pagliaccio...", mais on préfère en retenir ce finale dramatique, maintenu sous une tension extrême par le compositeur, qui voit Canio accuser puis assassiner sa femme sous les yeux du public venu là pour se divertir, et qui aura du "divertissement" plus qu'à son tour, le rideau se fermant sur la célèbre sentence de Tonio : "La commedia è finita."
note Publiée le samedi 31 décembre 2005
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