« Noisegrind and Antijazz », ah ouais !

Comme Naked City ?

Nan...

J'aime bien, hein, Naked City – et au moins autant quand ils partent cocktail-core que quand ils lâchent du bruit en mode on-est-très-trés-méchants. Mais là non. C'est pas le même truc. J'ai cette impression, surtout : que les mecs ne prennent pas le machin dans le même sens. C'est à dire que Zorn avec ses illustres potes étaient, sont avant tout des jazzmen, jazzeux, des ââârtistes – on ne m'enlèvera pas ça du crâne – qui ont décidé un beau jour, découvert que le boucan sans forme pourrait leur permettre de se laisser aller au pire (ou pire : à la déconnade) sans cesser de passer pour des fous (je veux dire : des VRAIS fous sérieux, qui avaient avant ça bien étudié à fond l'histoire de la folie, de la liberté, potassés des volumes de manifestes et productions d'avant-garde pointue...). Y'avait qu'à dire, allez, que pour ce coup-ci, c'était de « l'alternative ». Les gens du MHTO, eux – ouais ouais, je raccourci, eux aussi d'ailleurs dans un titre alors merde, oh – c'est une autre histoire. En terme de « allstar », ça pioche ailleurs, l'affaire. « Avec des membres d'Hørdür, Welldonedumboyz, Goatvermin blablabla », disent les flyers. Bon oui, OK, ici ça me cause – mais voilà, l'art-coreux abonné au Tzadik Daily ou l'habitué des concerts au Djâz Club de la rue Delandine, eh bien... Pas sûr qu'il se soucie d'aller voir qui sont ces autres gens – qu'il en ait même quoi que ce soit à carrer. Enfin...

(Je suis de mauvaise foi ? Sans doute. Mais en tout cas : en essayant de coller au plus près à ce que j'entends, à ce qu'il m'en semble – à ce que j'en ai vu un coup, aussi, entendu, des gars, à l'un des événements à quoi renvoyait un des sus-cités flyers...).

Et puis tiens : le Mental Hygiene Patin-Couffin, là, ça n'est pas non-plus cette espèce de jazzcore « spirituel » qu'on entend depuis un moment dans divers clubs, joué sous divers accoutrements – post-Coltrane/Sanders/Ayler ou post nowave, peu importe. Tout ça pour dire : eux, ne déferlent pas. Ils hoquettent, plutôt. Bégayent. Dégueulent oui – mais en pointillés. (Des pointillés hirsutes, pas pointillistes, pas impressionnistes. Des pointillés mal rasés avec la joue tranchée qui pend parce que la lame du coupe-chou est mal aiguisée, trop ou pas assez, et qu'on se l'est coincée dans les mécaniques). À la rigueur on n'a qu'à dire que lire le nom donne un indice – l'Hygiène Mentale, c'est quand on purge le tout, l'abcès que devient le corps à force d'exister au long des semaines aussi variées qu'une boîte à rythme en boucle (celle des Béru – sans les Bérus), le fatras que devient le fameux Mental donc, à force de bouffer toute cette merde – les nouvelles, les vies tout aussi chiantes mais plus chères de gens pour qui on nous enjoint de nous passionner sur les affiches et dans les « notif » instatokbook (ou encore plus pénibles ! Leurs œuvres, rôles dans des films, performances etc. … Rien à foutre, en vrai de vrai). Et Coltrane donc ? Ah ! Je ne sais pas. C'est vrai qu'il n'a pas l'air bien frais sur la pochette. C'est vrai qu'ils retournent un de ses plus fameux titres – et déglinguent n'importe comment la mélodie de My Favorite Things sur un morceau (pas celui qui s'appelle My Favorite Things suivi d'un liste de stupéfiants durs-durs... un autre). Le détestent-ils pour autant ? L'ont-ils écouté un temps, longtemps, un jour ? Allez : on s'en fout, ça aussi.

Cette « Haine Suprême » affichée là, disais-je – en concert c'était en tous les cas bien drôle. Et rigolard. (Eux). Et éprouvant. (Nous). « Drôle », hein, pas « blague » – pas comme Ultra Vomit à l'Élysée avec les Trois Autres Cons. Con aussi, OK, mais autrement – aussi gratuitement que possible, absurdement, et avec les amplis montés à balle, la sono qui craquait – et tout le monde d'ailleurs qui se demandait quand tout le monde allait craquer. Mais personne, pour ça, n'avait l'air de vouloir défoncer personne. Tout se contentait de tousser fort et de se démettre en grinçant, râlant, poches-de-gaz-qui-explosant. J'ai encore dit fort. Je redis : très fort. Et pour rien. Pour le plaisir de. Voilà... À la maison, si jamais : ça fait pareil dans les enceintes, toutes proportions du décibelemètre gardées. On ne les voit pas tirer des tronches à se payer les nôtres en même temps que les leurs propres mais on n'a guère l'idée de prendre ça comme un programme, une ligne à suivre, un chapitre du Grand Livre des Choses à Vénérer. On écoutera ça comme on voudra : au lever avec ou sans gueule de bois, la tête à l'eau claire si on en a envie, matin-midi-soir si on y tient sans prendre ça un pour un tramadol ou une dose d'une heure (trois fois les vingt minutes annoncées) de quoi que ce soit, question prescription. C'est encore tout fumant d'avoir été soudé à l'arrache. Alors « y'a pas ». (Prescription).

Oh puis tiens, pour conclure : à la fin, ils ont collé une « alternative take ». Comme chez Impulse! Ou chez Blue Note ou sur un remaster de n'importe quelle réédition de n'importe quelle filière Universal. Sûr qu'avec ça certains vont s'y jeter – rassurés de se retrouver en terrain connu, appréciant certainement qu'on pense à eux, qu'on leur file une fois de plus un chouette bonus pour mélomanes.