Si Cabaret Voltaire était l’aîné, Schleimer K serait le benjamin, celui qui a écouté le grand frérot manipuler des sonorités derrière la porte de sa chambre, intrigué, fasciné, sans toujours bien comprendre car il était trop jeune. Quand le premier a commencé à sortir des disques, à mener une vie artistique, le second en a profité pour aller fouiller dans son placard, jeter un oeil sur sa table de mix; il y a débusqué des bouquins, des fringues, qu’il trouve chouettes mais pas complètement à sa taille. Il s’inspire mais ne copie pas et décide de se lancer lui aussi. Telle pourrait être la définition de Schleimer K qui n’est certes pas un clone de Cabaret Voltaire mais puise aux mêmes inspirations. Alors que le début des 80’s, lassé du punk, voit l’émergence de tout un courant art pop cherchant à concilier les codes artistiques, expérimentaux, de mouvements tels que le dadaïsme, l’expressionnisme, des aspirations pop et un regard sur la réalité sociale, Schleimer K exécutent un grand écart à quatre pattes entre l’obscurité du mouvement goth naissant, le goût de l’expérimentation, des coucous vers la new wave et des restes d’urgence punk. Le timbre de Michael Wolfen évoque beaucoup celui de Peter Murphy et colore d’emblée les morceaux d’une touche dandy obscure. Il est évident que le trio partage aussi pas mal d’affinités avec les trois de Sheffield, aime à manipuler des sons, tripatouiller des effets rêches, laisser gémir le saxo, sans pour autant pousser la démarche aussi loin. Si les climats de ce premier disques sont assez incroyables, on y sent beaucoup de spontanéité. Bien que la mélodies soit une composante de l’équation, le chant parait parfois évoluer en roue libre, la musique remplissant l’espace derrière lui sans chercher à coller à 100 % à ses lignes. Le 'talon d’Achille' (ironie représente) de ce skeud, pour moi, demeure la première chanson, ‘Cold sounds’. Avec une composition aussi fabuleuse, il m’a fallu du temps pour lâcher la touche ‘repeat’ et me décider à écouter la suite. Rythmique torve, froide, nocturne, ce chant désinvolte, interlope, ces larsens discrets, ces coups appuyés sur la fin, cette mélodie hypnotique… Subjectif forcément mais j’aurais acheté le cd rien que pour ce morceau. Rassurez-vous la suite est de belle facture avec des moments sur le versant de l’inconfort (l’inquiétant ‘Crime’, ‘Short cuts’ et son atmosphère de cave de second sous-sol servant de labo à un serial killer…), des faux clins d’oeil de derrière les verres fumés vers la pop (la valse décalée de ‘Bed of roses’, la glaçante tristesse du piano de ‘Hang-ups’ ou encore la new wave gothique de ‘Nevermore’), une cold wave biscornue avec ses quintes d’expérimentation… A noter que comme Cabaret Voltaire lors de leur phase d’approche de leur art, le trio se fend d’une reprise d’un classique, ‘On the road again’, plutôt réussie d’ailleurs. Clairement un album sous-estimé d’une formation trop négligée à qui on rend enfin justice aujourd’hui. Le monde de la musique alternative, c’est trop souvent ça.