Celui que l’on appelait Jesus, surnommé ‘Sonic’ se leva le premier…Black-out total face à la pièce en désordre, ce groupe de musiciens avachis sur le sol; combien de temps ? Quand ? Pourquoi ? Restait-il des champignons ? Pas vraiment, juste une odeur persistante de marijuana, une bouteille de rouge entamée…Finie la fête, la grisaille automnale filtrait déjà sous l’huis de la fenêtre masquée de buée. Et maintenant, on fait quoi ? En se dirigeant vers les chiottes, voilà Jesus qui bute dans une pile de plaques entassées sur le tapis: Joy Division, The Jesus and Mary Chain…Voilà qui devrait faire l’affaire et compenser le manque d’acides. Pas con, Jesus place deux albums, ‘Closer’ et ‘Darklands’ sur les deux platines et les balance à fond la caisse; il roule quelques spliffs et réveille ses comparses à coups de pompes dans les côtes. Les gars ne saisissent pas très bien, ils comprennent juste qu’ils doivent composer, écrire, et composer encore. Quelques temps plus tard, Sonic Jesus se pointe chez son dealer d’herbe avec un test pressing sous le bras; le mec est content, il vient d’en sortir du séchoir, il veut bien goûter au son du groupe de son pote. ‘Alors,vous avez laissé tomber le trip psychédélique moderne glauque ? On dirait un peu Joy Division qui joue ‘Darklands’ de Jesus and Mary Chain avec une production contemporaine, à moins que ce ne soit les frangins Reid qui fassent du Joy Division, période ‘Closer’. C’est sympa en tout cas, drôle de changement'. Jesus médite, il est assez satisfait parce qu’au fond il a toujours préféré le gris aux couleurs et apprécie l’odeur de weed plutôt que le patchouli fut-il plombé. Donc, ces tempi pas trop rapides, cette bonne basse, cette voix qui plane dans son brouillard, ce feeling endimanché, gris, légèrement iodé, c’est un peu comme faire le con avec les potes sur la plage sous le ciel nuageux, s’amuser à prendre des poses bizarres mi-mystiques mi-animales et surtout un peu bourrées. Et il y a ces synthés frais qui glissent entre les guitares froides, brumeuses, comme des mouettes, ajoutant parfois une touche 80’s comme elle pouvait l’être sur ‘Drive’ des Cars. Certaines chansons dégagent même un vrai goût de spleen (‘September 9th’, l'excellent 'No way'), ça lui rappelle Interpol à leurs débuts aussi. Normal eux-aussi ont écouté Joy Division. ‘Tu crois que ça existes la cold wave psychédélique ?’, demande Jesus au dealer. Le gus s’en fout un peu, il aspire une bonne bouffée, rejette la tête en arrière sur le dossier du sofa, il se sent bien, il a l’impression que des vagues un peu grises rampent sur le plafond, ça colle bien avec la musique, pour un peu on entendrait le chant des mouettes mais quelques accélérations purement post punk cassent le trip (‘Funeral party’), il aime mais se détache un peu; après tout, ça a déjà été fait un paquet de fois même si la bande à Jesus le Sonic s’en sort très correctement. On ne renie pas si aisément ses vraies influences à priori…