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Thou / Salome › Our Enemy Civilization

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Klarinetthor      lundi 24 juillet 2017 - 15:08
Dioneo      dimanche 23 juillet 2017 - 16:22

lp • 4 titres • 32:38 min

  • Thou
  • 1The Song of Illuminate Darkness12:17
  • 2Reprise4:50
  • Salome
  • 3With Hell for a Mouth5:38
  • 4Carving the Ether9:53

informations

Face Thou : The Song of Illuminate Darkness, enregistrée par James Whitten à la Nouvelle Orléans (Louisiane), en janvier ; Reprise : enregistrée par Nick Lauve, en mai 2009. Face Salome : enregistrée par Blain Misner aux Cue Studios, Fall Church (Virginie). Mastering : James Plotkin.

Premier pressage sorti à 1000 copies dont 100 sur vinyle rouge (précommandes) et 900 sur vinyle noir.

line up

Aaron Deal (Salome) (batterie, guitare additionnelle), Bryan Funck (Thou) (voix), Andy Gibbs (Thou) (guitares), Terry Gulino (Thou) (batterie), Katherine Katz (Salome) (voix), Emily McWilliams (Thou) (composition sur 2), Rob Moore (Salome) (guitares), Matthew Thudium (Thou) (guitares), Mitch Wells (Thou) (basse)

chronique

FACE THOU.

On a tort, pour évoquer les exactions, les pires cruautés, les systématiques horreurs, de dégainer toujours ces mots : la Barbarie, les Barbares. Ces pillards-là, les meutes, ne sont pas ceux qui ont fait, qui font les villes, les stades (les Colisées), les camps de travail, de réfugiés, d’exécution. Les espaces enserrés des machines mortifères, les lieux de compensations, de distractions hystériques mais encadrées, de relâche frénétiques, des foules investies devant les écrans énormes où s’agitent de quelconques images géantes et leurs messages "d’amour" et de "tous ensemble"... : ce sont les œuvres des sédentaires, des grégaires, non des nomades ! Ceux qui font, qui ont fait les empires – ne voyageant que pour s'établir, conquérir, déposer derrière eux des murs, où leurs armées étaient passées, passaient, passent. Ce sont ceux-là qui nous écrasent – nous dedans, ceux dehors, ceux qui entrent, ceux qu’ils bannissent. Ce n’est pas pour rien que sur la pochette de ce split figure Sophie Scholl, membre de l’organisation La Rose Blanche, exécutée par les nazis en 1942, à vingt-deux ans, avec son frère Hans et leur ami Christoph Probst, au sortir d’un procès de trois heures. Décapités. À la hache ou guillotinés, selon les versions de l’histoire. Au motif qu’ils avaient distribué des tracts subversifs. Dénoncés par un pion – un surveillant de la fac qui les avait vu faire.

Bon… "Notre Ennemi la Civilisation". C’est assez clair. Et la musique de Thou ne s’encombre pas de l’espoir des lendemains qui chantent. C’est autre chose quelle allume. Elle est littérale et profonde. Comme ce premier titre et son arpège liquide d’introduction – Chanson d’Illuminées Ténèbres. Noirceur où des lueurs se logent au long des trouées – faibles mais suffisantes pour qu’on voit l’incommensurable lointain du fond. Il n’y a pas de fin. Il faut tenir. Il y a la fatigue, les maladies qui fleurissent dans la misère et l’obscène, grotesque abondance. Il y a les Pléthores – parmi quoi, même en leur faisant face, on ne peut que marcher, se faufiler, si l'on ne les attaque pas en plein ventre, plein visage. Les riffs lourds et épais – mais pas sludge, pas vraiment ; on se vautre pas ici, on ne se roule pas dans la fange. On la proclame déchet. On s’arrache certes la gorge – mais ça fait plus chaud que mal, encore, et pas peur pour l’épate. Le morceau est plein de ruptures mais chaque partie verse dans celle qui suit et quelque chose s’étale et se concentre tour à tour – une espèce de halo blues où la mélancolie ne se loge que pour être excrétée, à chaque instant vomie ; devenir trace passée, souvenir. Marqueur. Sans fin, là encore. Aucun confort – celui-là est la condition par quoi elle endort – elle, l’Ennemi, disent-ils, avec sa raison fausse, falsifiée, le ton rassurant de ses prêtres, de ses commentateurs.

Cette face se termine par une pièce pour cordes, violoncelle et violon, composée par une certaine Emily McWilliams. Inattendue peut-être, sur un disque de Thou ? Douce, en tout cas, belle – et certainement pas la pour rien. Calme et inquiète comme un crépuscule sans idoles. Ou bien comme le matin, l’aube d’un monde en ruines – où les ruines se succèdent, se déplacent, se vendent, se cèdent, où les terrains se vident mais jamais pour longtemps, les tables-rases préparant d’autres édifices. Un monde où tout le temps et contre quoi "il faut [chaque fois] tenter de vivre". Si c’était là, après tout, la véritable "Song of Illuminate Darkness" ?

note       Publiée le dimanche 23 juillet 2017

chronique

FACE SALOME.

"Notre Ennemie, la Civilisation". Oui, elle et eux aussi – Kat Katz, qui par ailleurs braillait alors déjà dans Agoraphobic Nosebleed ; et un batteur et une guitare mais pas de basse… Et pourtant ça pèse, ça creuse.

La musique de Salome semblait – semble encore, le groupe depuis séparé – vivre sous terre. Sous les cités. Sous l’ennemie. Pas pour s’y soumettre mais pour s’en cacher – moralement s’en détacher. Vitalement s’en isoler. Ils mettront ça en scène, même, plus tard – dans la vidéo gris-noir, malaise, sourde, de Master Failure (en 2010, sur leur album final – et nommé justement Terminal). Ici déjà, on touche cette atmosphère de tunnels, de boyaux qu’il faut apprendre pour ne pas s’y perdre et y périr, pour y semer le Contrôle, la surveillance. Lourde angoisse entrecoupée. Comme sur la face Thou – tiens – de brefs surgissements de sons clairs, arpèges de guitare bientôt noyés sous le prochain écroulement de terre, avalés par le noir au tournant d’après. Pourtant Salome – en faisant même un titre – parle plutôt de "Sculpter l’Ether". En creux. Sillons, bas-reliefs. En retirer les parts qui trompent l’œil pour que n’en reste que l’essentiel ténu, insaisissable et toujours poursuivi ? Une musique soustractive, alors, qui excave pour qu’on y tombe – et qu’en bas on y voit. Le poids énorme du déchet produit, rejeté, rendu délibérément mort.

Là, oui, peut-être, ce serait une espèce de sludge – de boue, rappelons, littéralement, en traduction – sale et contagieuse. Peut-être… ? Mais Kat Katz – avec sa voix exceptionnellement rêche, exfoliante ; ses plusieurs voix, même, celle de ventre, démoniaque, grondante, celle de gorge, déchirée, arrachée, saignante – est végétarienne, pratique le yoga, ne boit pas, ne se drogue pas. Pour autant rien ne sonne faux – dans cette noirceur de la matière qu’ils dégueulent, tous trois, dans l’amertume dissolvante qu’exsude cette musique. Rien qui sonne leçon donnée, non-plus, enrôlement, prêche. La proposition seulement – et à peine – de s’envoyer ce flot étouffeur comme un contrepoison. D’un geste détaché – comme l’est cette musique derrière le bruit qu’elle dresse. L’œil semble froid, le regard est tranquille – la guitare et la batterie frappent leur fracas en cycles qui s’alentissent jusqu’au bord de l’immobile. On ne vous convie pas à une fête – mais pas non-plus à une veillée, un deuil, à vous joindre à quelque déploration. Ce serait encore, ce serait déjà prier. On vous montre un bout de l’enfer – de la forme qu’il prend par ici.

Vous seul savez si – abandonnant, comme disait ailleurs l’inscription, tout espoir [enfin] ; ou l’ayant depuis longtemps abandonné, que vous l’ayez alors su ou pas – vous désirez encore y vivre. Vous seul savez si laissant cela vous trouverez, trouvez, avez trouvé ici autre chose – et comment en dehors, au dedans, cœurs du trou, alentours, lointain… il est possible ensuite d’y tenir existence. (Au revers de la pochette c'est une affiche, cette fois, qui est reprise, d'un film de 1963 nommé Sa Majesté des Mouches – on ne pourra pas dire qu'ils nous auront menti, toujours, sur la nature de l'habitat qui de ce côté-là s'étend).

note       Publiée le dimanche 23 juillet 2017

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    Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

    oui, j'avais oublié cette facette là en écrivant - j'ai pourtant réécouté something in thou way après la chro de Rasti.

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    J'ai failli ajouter Grunge. (Sans blague). Pas juste pour leurs fréquentes reprises aberdeeniennes (à Thou) mais pour l'état mental.

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    Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

    Split bien cohérent... avec des faces pourtant différentes... Thou ça groove bien peu... et fait penser aux musiques grisaillantes qui fleurirent dans les 90s, doom, BM, post-rock....

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Ben sincèrement je ne sais pas trop à quel point la musique serait susceptible de t'accrocher ou pas - peut-être que oui, hein, peut-être au moins l'une des faces/l'un des groupes... - mais en tout cas je trouve que les deux images cadrent finalement assez bien avec ce qui se passe là-dedans. (Et il fallait oser, ça pose en effet la barre assez haut de s'approprier précisément celles-là).

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    Shelleyan Envoyez un message privé àShelleyan  Shelleyan est en ligne !
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    Rien que pour le visuel...Sophie Scholl et Lord of the Flies, c'est vraiment fort.