Quatuor Chevalier › Musique classique

En 1979, l'annonce de la création en première mondiale de l'accordéon expressif, sorte d'exception française, vise à permettre l'interprétation en ensemble d'un répertoire savant sur le modèle du quatuor à cordes. Faut-il y voir la volonté de donner à l'instrument de bal ses lettres de noblesse - ou bien est-ce surtout le fruit d'un intense processus de réflexion, l'aboutissement de l'art d'un facteur d'accordéons ? Derechef, un simple regard sur ce disque pousse à s’interroger sur la motivation profonde de sa raison d'être : document de recherche ou méthode de vulgarisation du langage instrumental classique ? Devant cela, tout amateur de Pauline Oliveros fera certainement la moue. Réflexe d'autant plus naturel que l’album doit sa parution aux Disques Festival, et non à des labels plus sérieux type Wergo ou Montaigne. Ce n'est pourtant pas là ce qui importe. L'album du Quatuor Chevalier n'a pas grand-chose à voir avec les flonflons d'André Verchuren. Le travail de Piermaria sur les soufflets et les boîtes de résonance, celui du luthier Jacoux sur les couvercles permettent au timbre des différents accordéons de s'approcher au maximum des nuances et de l'expressivité des cordes frottées… et c'est l’effet le plus saisissant dans cette histoire. On établit un pont de nature technique avec la plume d’auteurs japonais, russes ou norvégiens – une ouverture. Si la délicatesse est présente, certes avec beaucoup de romantisme (en particulier à la fin des phrases quand l’instrument semble à bout de souffle), le choix de partitions de Beethoven et de Vivaldi, retranscrites par Claude Chevalier, met aussi en évidence les limites de l'instrument. Il lui manque de la vigueur, du coffre pour ce genre de répertoire qui devrait flamber dans une grandiloquence superbe. Reste alors la possibilité d’un domaine plus contemporain à explorer, pour juger ce qu’en ferait le quatuor, mais peut-on vraiment espérer voir l'ensemble aborder une musique plus moderne, alors même qu'il est allé faire un tour chez Pascal Sevran ? Rien n'est moins sûr... La même année verra la sortie d’un second disque des accordéonistes, cette fois interprétant des œuvres françaises plus adaptées, écrites par des compositeurs comme Jean Wiener. La grande question, la seule à se poser, reste donc en suspens : le projet est-il allé au bout de son idée ?