Je lisais gutsofdarkness l’autre jour entre deux faits divers sur le site de la montagne ou le midi libre, et puis je tombai sur une chronique de Spiritual Beggars. Apparemment ce fut la première de genre « stoner metal » à arriver par ici. Alors moi les genres ça fait deux, et eux aussi j’ai l’impression. Je me souviens notamment des yeux écarquillés d’incompréhension de mes hôtes, c’était à l’occasion d’un atterrissage sur le sofa d’une espèce de communauté, presque un squat. Enfin, bref, que des gens versés dans l’électronique raveur, fêtes privées et îles inconnues où il fait bon danser pieds nus dans le sable pendant une semaine sans dormir. Je leur dis qu’il existait du « stoner » rock. Ça n’avait pas l’air de passer ensemble pour eux, genre t’écoutes Johnny ou Elvis et tu trippes dessus. Les goûts, les stupéfiants, et leurs couleurs. Deuxième point : premier album de « stoner » metal sur guts, mais en fait c’est le troisième au soyeux iguane - une des pochettes les plus moches de ce que j’ai pu voir dans cette scène qui aime quand même bien le kitsch (cf. Cathedral et son illustration alternative de Supernatural Birth Machine, celles d’Acrimony, ou même certaines de Black Sabbath !). Les deux premiers sont bons aussi, donc je m’y colle. Alors, Spiritual Beggars, c’est le groupe qu’un des deux guitaristes de Carcass, Michael Amott, va former en Suède à peu près au moment de la sortie d'Heartwork, quand chaque membre du groupe de grind / death anglais avait besoin d’air sous d’autres latitudes metal. Encore un aparté : la Suède, c’est l’autre pays du heavy psych, ce mélange de hard, de blues et d’envie de voyager bien haut… dès les années 1970, avec des groupes comme November ou Life, puis plus récemment avec Graveyard ou Hills… une musique passéiste et vivante à la fois, car vous trouverez ce culte suédois au vintage si vous grattez un peu dans la culture populaire du coin, je vous raconte pas les vieilles bagnoles américaines qu’on sort le week-end, les festivals de true heavy metal, et bien sûr tout ce qui en découle en vrai de vrai dans toutes les scènes y compris black metal snuss calé en haut et en bas, je fume des clopes en même temps sous shrooms, une bouteille de vodka à la main. Habillé avec style, en écoutant de la musique qui a du *style*. Spiritual Beggars ils ont du style, sûr. Déjà Michael Amott est un immense guitariste, capable d'être bon blues ici comme bon death ailleurs… donc ici, pas de gore, pas de death metal ni de growls, que du Jimi Hendrix, encore assez propre, mais je trouve finalement que c’est dans ces groupes de stoner metal qu’on retrouve le mieux l’esprit « feu dans les yeux, éclairs au bout des doigts » qu’on voit dans les concerts des années 1960 du Maitre, bien mieux que ceux qui essayent vainement de faire du blues de blanc tout bête en faisant timidement des reprises. Le blanc aurait-il besoin de metal pour être blues ? Enfin, deux autres éléments prépondérants font que ce groupe a un potentiel sympathie de haute volée : une section rythmique inventive, carré au carré, et surtout cette voix de Spice, comme un jumeau séparé à la naissance de John Garcia, l’un va fumer la route au soleil, l’autre dans le froid. En gros, une première salve rempli de gros riffs, de références en étoiles (hindouisme sur la pochette comme sur un album de krishnacore mais avec un gros plant de beuh au premier plan, Blue Cheer et Jimi dans la basse et la guitare, et plein d’autres choses dans les paroles qui vont de la déconfiture quotidienne au kif solitaire mystique faute de mieux). Quant au potentiel gutsien, que dire… enfin, moi ça me parait évident mais je vais un peu développer : les ténèbres c’est poisseux, mais quand on a une peau de roux comme la mienne, le soleil c’est l’ennemi (et moi chui l’ennemi du soleil, ahah. Hem). Dans des groupes comme Kyuss ou Spiritual Beggars sont donc bien établis des références à cette énergie tellement puissante qu’elle peut vous griller sur place, ce feu dans le ciel mais aussi dans la tête, quand ça chauffe beaucoup. Quand c’est bien fait, le « stoner » metal chauffe donc la tête, les mains, le bide sous le coup des basses, et l’imaginaire qui dégouline, formant des visages qui virent de l’angélique ou démoniaque comme dans un mauvais trip. Quant aux drogues, ma foi, c’est le mal, donc voilà pour le côté sombre. « When the day is over, and i’ve fed my karma, when the wind cries Mary, je bois un coup de rouge, tanguant sur des eaux pleines d’angoisse, rempli d’émotions tordues » : ANGOISSE ! Premier album qui sonne comme un retour considérable en arrière, mais étant donnés qu’ils furent parmi les premiers à se vintager la gueule comme ça, respect pour les death metalleux en manque d'indica. Premier album encore un peu jeune, un peu vert, bien fichu, mais encore un peu scolaire d'un groupe qui va prendre dès la deuxième salve des muscles plus épais aux épaules.