Kylesa › To Walk A Middle Course

Primitif, et sensuel, en deux mots signé Kylesa, ce second album est à peu de choses près un vrai premier, après ce vert épo de 2002, encore un peu mal dégrossi, tendance screamo-crust - ou plus simplement un troisième Damad officieux - que j'ai toujours la flemme de réécouter par souci exhaustivo-journalistique. To walk a middle course est un album qui pue davantage encore la fièvre existentielle, le Sud Profond, le son américain d'un desert humide et dense. Ombrageux, sauvage, appelant des écoutes répétées qui n'en émoussent pas la force, même si Kylesa n'a pas encore trouvé là toute son ampleur. Il y a ici encore pas mal d'effluves de musique de jeunes barbus squatteurs à écarteurs auriculaires tribaux et tatouages floraux, c'est pour ça que je suis un peu obligé de mettre l'étiquette "crust punk", comme d'autres se sentent obligés d'accoler "sludge" à tout bout de champ. Kylesa est une fleur grasse née dans la plus sèche des crasses, ses origines 90's sont suffisament connues. Un groupe presqu'oxymore, dont le charme unique tient à l'alliance pourtant archi-classique de la violence et de la mélodie. Dans cette puissance hardcore-mélodique, donc, pour ne pas dire simplement emocore, il y a à n'en point douter la part féminine qui fait la différence. Kylesa ressemble déjà à énormément de groupes et en même temps à aucun autre aussi grâce à sa belle, une Laura - comme celle de Lynch avec laquelle elle partage quelques traits physiques - et qu'on serait tenté de rattacher à la patte imparablement tragique du son hybride Kylesa, ce qu'on appellerait la "patte Pleasants", sauf que, même en ayant vent biographique du "damad+peasants = kylesa", la miss est probablement autant sinon plus à l'origine de l'impact brûlant et vengeur, de cette colère post-coïtale, voire menstruelle, qui affleurent de partout dans leur son. Je pars encore dans mes analyses douteuses, oui, si vous voulez, mais vous savez comme moi que le cliché qui consiste à croire la part féminine comme la part tendre est une connerie monumentale éventée depuis belle lurette. Comme le disait cet allemand que tel Otto West j'ai toujours lu pour me sentir malin sans en comprendre la moitié, "la femme est plus barbare que l'homme dans l'amour comme dans la vengeance". Et Kylesa, c'est le son de l'amour et de la vengeance entremêlés, qui portent imparablement l'estoc. Avec des retours de flamme qui ressemblent à ce "Phantoms" psyché et sinistre. Les saveurs mielleuses et fruitées qui prendront de l'épaisseur par la suite sans rien enlever à la sauvagerie déjà présente ici rendront le groupe indéniablement meilleur et encore plus fascinant... question de sensibilité. Kylesa sonne à son plus teigneux ici, avant la lente et magnifique floraison. To walk a middle course est, même si un peu moins que Damad ou le premier, destiné aux exhaustivistes plus qu'aux néophytes - que j'orienterais davantage vers n'importe lequel des suivants... mais c'est l'avis d'un mec qui a découvert Kylesa sur le tard, l'avis d'un incorrigible emo-goth en réalité, qui est tombé amoureux de ce groupe via ses albums les plus sucrés. Ici, on est dans l'amer, le salé. Et, déjà, dans le beau.