Peu de disques captent l’attention dès les premières secondes aussi bien que celui-là. Kundalini démarre par une sirène insupportable, avant de se lancer immédiatement dans un batucada au son altéré par les machines. Moite. Turgescent. On pense, c’est fou, tout d’abord à Konono N°1, les congolais bricoleurs branchés sur générateur électrique. Voire à Gang Gang Dance. Puis s’enchaînent les références d’époque : Pop Group, My life in the bush of ghosts de Eno/Byrne, A Certain Ratio. A Certain Ratio qui livre au moment un Sextet d’une toxicité terrible, à ne pas comparer avec ce Seven Songs sous peine d’en saisir tout l’amateurisme juvénile. Car enfin, pourquoi, alors que notre attention leur est toute acquise, tout comme nos pieds, après ce Vegas El Bandito imparablement funky (et trop court !), pourquoi 23 Skidoo se lance-t-il dans une succession de tentatives post-indus chiantes et sans effet ? Le coup du cornet plaintif, si unique et anxiogène chez Throbbing Gristle, devient ici un gimmick. Quand la danse reprend sur IY, le cœur n’y est plus. Au final, l’ambiance est bien là, cette ambiance de "forêt africaine moite" recherchée par le groupe, sauvage et interlope. Mais on ne fait que la survoler. Mais à l’image de la plupart des formations indus, la musique était-elle bien le but ici ? Car 23 skidoo était un drôle de groupe. Un groupe typique de son époque, en fait. Ça tombe bien, le début des 80’s était une époque incroyable pour l’‘underground. Ce Seven Songs bricolé à l’arrache en 3 jours en est le témoignage abrasif : l’énergie insufflée par les franges les plus radicales de l’indus et du post punk est ici palpable, libératrice. Il faut dire que ces zouaves-là étaient au bon endroit au bon moment, à savoir dans les pattes de Cabaret Voltaire et de Throbbing Gristle, qui ont contribué à l’enregistrement de ce disque... Sont présents à cette kermesse bouillonnante : Genesis P-Orridge et Peter Christopherson, tout juste rescapés de la fin de T.G. (chris & cosey ayant choisi une voie tout autre, 100% électronique) , John Balance, dont c’est l’une des toutes première apparitions, et l’inévitable Ken Thomas, qui enregistrait tout ce beau monde défoncé et érudit. C’est un peu le Conny Plank de la période post industrielle, capturant les soubresauts souterrains qui agitaient une foule de jeunes gens radicaux de plus en plus nombreux et organisés... Le témoin d’une période de transition passionnante, dont ce Seven Songs est l’un des fruits les plus symptomatiques.