Porn Darsteller / De Frontanel / It & My Computer › Le Monde Cruel De Katja (La Trilogie)

On connaît bien Charles de Frontanel pour être l'antipape français du bizarre et du goût douteux. Le voici qui nous propose un voyage porno/gore dont lui seul a le secret, à travers une petite bande dessinée de son crû, mise en musique par lui-même et par deux de ses confrères, échappés pour un temps du label Invasion Planète, j'ai nommé Porn.Darsteller et It & My Computer. Le tout se présente sous la forme d'un triple 7'', édité sur son label privé Grahn Geen-yol, qu'on remarquera être un amusant homophone de «Grand guignol». Commençons tout d'abord par l'histoire, que je vais tenter de résumer: à la suite d'un accident de voiture, la belle Katja est recueillie par un riche libertin dans sa demeure isolée. Attachée, baillonnée, pleurant toutes les larmes de son corps, elle subit divers outrages à base de fouet et de godemichet cranté. Elle devra son salut à une autre esclave qui, se rebellant, occit notre libertin à coups de tessons de bouteille. Libérée, Katja la remercie au cours d'une torride scène saphique. Puis, pour une raison qui nous est inconnue, l'esclave endort Katja d'un mouchoir imbibé de chloroforme. Lorsque se réveille notre héroïne, c'est pour s'apercevoir qu'on l'a enlevée sur une île tenue par quelques réfugiés nazis. Après avoir dû satisfaire sexuellement un médecin, puis le führer en personne (!), elle parvient à s'enfuir dans la jungle, terrible jungle, jusqu'à ce qu'une explosion éclate derrière elle: le repère nazi vient d'être dynamité. Au même moment sort des buissons un beau résistant bodybuildé. Le coup de foudre est immédiat; ils décident de poursuivre ensemble leur chemin. Progressant lentement dans la jungle, ils tombent sur un cadavre en décomposition. Un lugubre tam-tam se fait entendre au loin. Nos héros prennent peur, et accélèrent le pas. Ils sont vite rattrapés par une horde de cannibales qui étripent le résistant, et abusent de la belle. En guise de fin, Katja accepte de manger les viscères de son ex-compagnon, et devient reine du clan. Ouf! Voyons à présent comment les trois artistes ont chacun à leur manière traité cette exotique Justine de série Z. Tout d'abord, avec beaucoup de dérision pour Porn.Darsteller qui joue à fond la carte de l'ironie, voire du kitsch, par une utilisation rétro du minimoog et de l'orgue Hammond, et quelques mélodies décalées qui ne sont pas sans rappeler les musiques de film de Vladimir Cosma. Par moments, on se croirait même dans l'un des ces films érotiques italiens des années 70/80. Le résultat est donc déconcertant, mais finalement plutôt réussi. Arrive ensuite De Frontanel, qui vient casser l'ambiance avec un traitement froid au possible: synthétiseurs au grain dur, boîtes à rythmes lentes, mélodies souillées, boucles obsédantes, voix menaçante... DF se déleste du superflu, pour mieux se concentrer sur l'ossature même du rapport dominant/dominé. On aura rarement entendu aussi glacial en minimal synth... moi, j'adore! It & My Computer vient finir le tryptique par une minimal wave à la Syndicat Electronique (normal: c'est le même personnel), enrichie d'éléments exotiques, comme des cris d'oiseaux par exemple. Le tout n'est pas mauvais, mais sonne artificiel et parfois peu inspiré. On sent le truc qui a le cul entre deux chaises, et qui n'a pas su trouver sa voie. Dommage de terminer sur une note aussi mitigée, parce que si vous êtes amateur de bizarre et/ou de minimal synth, le monde cruel de Katja est pour vous.