Sensational › Get on my page

C'est toujours douloureux de porter un nom d'artiste aussi peu équivoque quand vient l'heure de soumettre le fruit de son travail à la plume acerbe de musiciens frustrés depuis recyclés en chroniqueurs du dimanche. Alors, puisque la moitié du chemin est faite, je le confesse : "Get On My Page", le quatrième album de celui qui s'appelait autrefois Torture au sein des respectables Jungle Brothers, n'est pas sensationnel. Il a au moins le mérite de distiller une ambiance rarement exploitée en hip-hop, celle d'un minimalisme à toute épreuve où tout repose sur un beat souvent âpre, un simple micro et quelques nappes de clavier pour donner du champ à ce produit brut. Et brut, il l'est ; pour cela, on a qu'à songer aux textes qui ne perdent pas de temps à tourner autour du pot, comme le démontre Ambience sur "Let Me Be" ("I want you to lick my clit, so I can suck your dick")... Humm, hum. Bon, faut reconnaître au gars une voix caractéristique et une propension non-négligeable pour des sonorités tordues et des couleurs musicales radicalement claustrophobiques. L'austérité de son ambiance schizophrène en fera flipper plus d'un. Qu'on se le dise. Du coup, on a même du mal à imaginer ce qu'aurait pu donner une rencontre idéale entre Sensational et ce malade de Tricky au sommet de son art... Le seul problème avec cet album, c'est qu'on en ressort comme on y est entré : sans réelle conviction. Mais ce disque est plus fourbe qu'il en a l'air. "Get On My Page" a pour lui une durée raisonnable qui évite la saturation et une approche complètement malsaine, unique et sans commune mesure avec ce qui se fait en hip-hop de nos jours. Mais de tels arguments sont ils suffisants pour susciter une pointe de curiosité chez le lecteur de Guts of Darkness ?