Salome › Salome

Stoner refroidi, sludge asséché, doom saigné à blanc... Salome n'a sans doute rien de bien original, certes. Des riffs lourds et répétés. Une batterie roulante qui sait se taire entre les attaques de guitare. La guitare qui sonne volontiers comme une basse, vrombit, laisse enfler le larsen jusqu'à frôler le drone. Mais voilà, mais aussi : Salome sonne comme le truc entier, pas grand chose à défendre mais qui le fera crocs exhibés jusqu'à ce que vous reculiez, battiez en retraite, ou que l'un ou l'autre – vous ou Salome – reste au bout à terre. Ça groove mais en se refusant tellement au sourire, en verrouillant tellement les visages, les gestes longs et suspendus mais tellement crispés dans l'attente que ça tombe (et remonte, cisaillement au ralenti) qu'on a l'impression que tous les spots éclatent un par un, pour vous laisser dans le noir, à bouger ainsi, cerné de bruits de chocs sourds et de bruissements, de sifflements qui eux aussi se déplacent.

Aussi : il y a la voix de Kat Katz – qu'on entendra bientôt s'éclater à nous brailler dessus chez Agoraphobic Nosebleed mais qui elle non-plus, ici, qui elle encore moins que les autres a l'air d'être venue pour la déconnade, la gaudriole. Timbre craché dans les aigus – comme des cieux ou des murs de papier qui se déchirent en séquences brèves et presque sous-mixées mais cinglantes pour ça aussi – pour ce parti-pris de taper sec et de s'éclipser, à l'opposé de le grande tradition de vocalises baveuses du, des genres... Anti-psychédélique, même en retenant l'acception bad-trip du terme. Et pareillement quand elle growle, plonge dans les graves : on sent les monstres tapis ou se mouvant derrière les parois mais ça n'a rien d'un voyage. C'est la traversée d'un sale lieu – les sens en alerte, l'espace fait pour qu'on y passe, le traverse, en sorte le plus vite possible. Mais... En étendant en même temps les laps – histoire qu'on ait bien le temps de sentir le malaise, le poids et la fragrance des volutes polluées, toxiques. Cinq, neuf, huit minutes...

Et puis vient la dernière – Onward Destroyer – plus de vingt-et-une. A croire que ça va se lâcher enfin ? Non... Mais ça ne va pas se diluer, non-plus. Ça va ramper plus longtemps, c'est tout. Varier les épisodes, certes – laisser envahir un peu plus le fameux drone, les gonflements tétanisés d'amplis. Ça va tourner, davantage autour en reniflant, en VOUS reniflant. Ça ne va rien débloquer. Charger seulement un peu plus l'atmosphère. Avaler dans la brume, les fumées, le point où on fixait le regard pour trouver la sortie. Mais au fait c'est quoi, ici ? Un tunnel ? Un caveau ? Une simple cave ? Les égouts de notre civilisation (Our Enemy Civilization, dit le titre d'un split qu'ils sortiront plus tard, avec Thou) transformé en crypte, catacombes, sanctuaire, QG ?

On ne sait pas trop mais une chose est sûre : l'air se raréfie et quelque chose, à mesure, se densifie. Ça enserre. Il faudrait qu'il flotte. Mais si c'est acide, alors ? Eh bien au moins, ça dissoudra peut-être la chape. Et si, effectivement, on se trouvait sous la surface, qu'est-ce qu'on en sentirait, de l'ondée ? Alors... On décidera si l'on redoute ou si l'on espère que ça tourne au déluge. Et puis on guettera, de toute façon, ce que pourront bien charrier, depuis là-haut, là-dessous, depuis les couches alentour, le ruissellement, gouttières, condensations et autres infiltrations.