Il y a des alliances qu’on sait faire du bien par le mal ou faire du mal dans le bien… Expérimenter dans son coin ne suffit pas, il faut confronter son travail à celui d’autres barrés. Dans le cas présent, croiser non le fer mais l’indus/ambient et la musique concrète au cours de l’année 94. Bande-son pour circonvolutions dans des sous-terrains d’usine en ruines où le vent mordant les tiges de métal rouillées, se glissant entre des interstices de verre brisé, des silhouettes métalliques tordues dans la morsure de l’oubli, du sel, de l’eau, du froid, couine ou mugit des sonorités morbides ? Oui, dans lesquels des fantômes de l’avant-civilisation se réunissent parfois pour exorciser leurs corps au travers de rythmiques tribales traitées analogiquement par des ethnologues en mal de sensations fortes (‘Anamorphis’), à moins qu’il ne s’agisse de capturer enfin sur caméra les reptations d’un monstre inorganique chargé de matière, de sédiments (‘Náttvilji Guds’). Mais rien n’est simple car la technologie n’est pas absente de ces expérimentations comme en témoigne ‘Theolepsy’ se rapprochant davantage de la capture sonore d’une expérience psychologique en laboratoire quant aux effets de je ne sais quel stimuli. Naviguant entre la dissection de l’effroi (‘Wave a dead chicken’) et le rituel psychiatrique, cet album n’agresse pas ouvertement, c’est pire. Il capture l’auditeur(trice) dans une toile vermoulue, suffisamment inodore pour ne pas le(la) faire fuir mais assez glaçante pour le(la) paralyser et lui malaxer les sens. Un travail riche et passionnant renouvelant la formule d’un dark ambient caverneux traditionnel en lui adjoignant quelques variations inattendues, en mêlant le compost aux circuits pour diffuser non pas de l’agression mais plutôt une forme de malaise… agréable.