La psychoacoustique. Rien qu'à la nommer on sent déjà venir l'embrouille, la supercherie. Comme toutes les branches plus ou moins officielles de ce qu'on appelle la psychologie expérimentale ou comportementale (oui, vous savez, celle qui oblige des enfants autistes à se visser le cul sur une chaise pendant sept heures – c'est du vécu, hein - pour lui apprendre à « respecter des consignes » et lui apprendre à avoir un « comportement normal ») dont elle est l'enfant. Bien souvent un simple prétexte, par ailleurs, pour avancer des conneries en se drapant des oripeaux d'un théorie plus ou moins validée par des organismes scientifiques nord-américain totalement indépendants des comités d'administration des lobby pharmaceutiques et autres écoles privées de réadaptation sociale. L'idée, donc, de la psychoacoustique, c'est de faire ressentir au « sujet » (qui ne s'écrit donc pas ici Sujet, vous vous en doutez) des « émotions » en lui faisant écouter, tout bêtement, des sons qui sont censés réveiller des… « choses », en lui. Balancez un peu de sauce neurobiologique sur le traitement de l'information, une pincée de neurotransmetteurs, une petite trace sur la perception spatiale et les souvenirs inconscients et vous secouez bien fort. L'idée de Dave Phillips, c'est de se séparer de tout le courant « technique » de cette saloperie théorique (telle fréquence sur telle période, telle tonalité sur telle intensité présumerait des effets « autres » que celui de vouloir flanquer un bourre pif à l'expérimentateur) et de se centrer sur les « peurs primales ancestrales » de l'homme, donc de l'homo-sapiens – l'album est astucieusement nommé "homo-animalis". On y entend des animaux feuler, grogner, hurler, crier, des réverbérations oppressantes des grottes dépeuplées d'aurignaciens enragés - d'ailleurs si vous avez l'occasion d'aller à Chauvet, foncez, c'est génial – grognements primitifs compris. Bon, vous avez compris l'idée, Dave Phillips essaye de vous foutre les jetons, l'angoisse, l'oppression, l'agression. Et ça marche, hein ! Bon, pas tout le temps, puisque le disque est une espèce de compilation de ses meilleurs moments, mais globalement ça fonctionne. Nous sommes loin de l'inventivité d'un Valerio Tricoli qui me hante encore rien qu'à écrire son nom, mais il ne faudrait pas faire l'ingrat et ne pas saluer l'incroyable travail de post-production de monsieur Phillips, tellement la spatialisation envoie dans la gueule. Faut dire qu'avec un présupposés comme ça, on n'a pas le droit de faire dans la demi-mesure – et niveau théâtralité, le type s'en donne à cœur joie. On pourrait presque isoler une forme de narration, avec les effets reversal, les grondements sourds oragesques, puis les animaux, et enfin les choses numériques... Les sons non-identifiés (ils sont nombreux, et évoquent tous une espèce d'installation industrielle bourré de micro-contacts qui tranche quand même un peu avec l'objectif animalier du truc, genre l'accord dissonant de piano qui sort de nulle part) sont à mon sens les plus réussis – c'est pas forcément du goût de tout le monde d'entendre les gargouillis trachéen d'un type comme si on y était – bien que parfois un peu trop « clichés ». Ce qui fait sur cent soixante minutes (oui, deux fois quatre vingt !) on s'y ennuie parfois. Un ami parlait de polyphonie d'animaux torturés et d'humains terrifiés. Il y a de ça. Et même s'il est difficile de trouver de réels défauts à cet album, je suis pour ma part bien plus versé dans l'Antre de la Folie que dans Cannibal Holocaust.