Uncle Acid and the Deadbeats › Blood Lust

Tout le monde s'est sans doute interrogé sur la chose, est-il un quelconque intérêt à écouter les albums de groupes contemporains jouant une musique inventée voici des décennies ? On pourrait spontanément répondre que non, que la musique et l'art doivent évoluer, refléter les préoccupations de leur temps...Cela signifierait donc que les thèmes abordés par nos artistes favoris n'ont rien d'intemporel ? Admettons mais doit-on alors absolument les traiter de la même manière que nos aînés ? Sommes-nous donc incapables d'y ajouter notre grain de sel ? Jouons l'avocat du diable, si un style a été inventé, doit-il être mis sous cloche et protégé de toute tentative de copie ? Et la liberté de l'artiste, le simple plaisir de jouer ce que l'on aime ? Suis-je donc responsable d'être né à l'époque où sortait le premier Black Sabbath ? Serais-je donc condamné à ne jamais ressentir le frisson amorcé par Tony Iommi, Ozzy et les autres autrement qu'en simple auditeur ? Les Anglais de Uncle Acid and the Deadbeats, eux, ne se sont pas tant posé de questions. Ils ne le cachent pas, 'nous avons sorti notre album quarante ans après le premier Black Sabbath' et ces sons-là, ils adorent. Après écoute de 'Blood Lust', il serait effectivement vain de le nier, tout sonne d'époque comme s'il s'agissait d'une réédition d'un projet d'alors. Les compositions paraissent sortir d'amplis ayant quarante ans d'âge, comme si Blue Cheer jammait avec des membres du Sabb' pour jouer du garage avec John Lenon sous acide au micro. Les guitares bourdonnent, la rythmique lancinante et répétitive pousse à dodeliner du chef, la voix juvénile et aiguë surprend, agace, finit par charmer. C'est l'essence même du proto-stoner qui se décline ici sous nos oreilles avec plus de quarante années de retard mais la même efficacité ; les riffs sont jouissifs ('Over and over again', 'I'm here to kill you', '13 candles' bluesy à souhait), les basses chaudes et rondes, les mélodies dégagent une forme d'immédiateté pop qu'on chantera sous la douche en se trémoussant, le tout épicé d'une bonne louche d'humour macabre et de second degré. Même dans les passages les plus âpres ('Ritual knife'), la musique de Uncle Acid and the Deadbeats enivre comme un vin au LSD et pour peu qu'ils corsent le tout de samples de violon ('Withered hand of evil'), il n'y a plus qu'à se laisser tomber par terre et se rouler convulsivement. Alors l'intérêt en 2011 d'un disque produit comme en 1971 ? Le plaisir, tout simplement. A s'écouter en regardant 'The trip' de Roger Corman.