De Frontanel › Grotesque

« Le beau est limité, le grotesque est infini », est-il écrit au dos de la pochette de ce très bizarre objet musical qui nous entraîne, le temps de neufs morceaux, dans l'évocation sordide d'une parade de monstres, exhibant leurs fascinantes malformations comme au temps de Barnum. Très simplistes, les compositions paraissent au premier abord bancales, inabouties ; on comprend peu à peu qu'elle se font en réalité l'écho fétichiste des anomalies génétiques qu'elles dépeignent, du genre de celles qui nous attirent tout autant qu'elles nos révulsent. La maladie exhibée comme une arme de conscience nous ramène à notre absurde réalité et notre perception vaniteuse de la normalité. De Frontanel, spécialiste des ambiances morbides, excelle à susciter un certain malaise, et ce malgré l'économie de moyens : inventive et décomplexée, la musique est un rire cynique, entre ballade à la Morricone (« La curieuse ballade », guitare et sifflements), minimal synth horrifique (« Elephantiasis », « Le partenaire »), et tanz debil burlesque (« La jument boite »). En offenser un, c'est les offenser tous, nous avertit le bonimenteur du film Freaks. Je pense n'offenser personne en attribuant 5/6 à cette curiosité.