Deep Purple › Abandon

Je me souviens de la sortie de ce disque. Quelques semaines avant, alors que je me dirigeais vers le Zénith de Paris pour assister au concert d'une autre ancienne gloire des années 70, Judas Priest, je prenais machinalement en main les dizaines de flyers qu'on nous servait dans la longue allée menant à la salle de concert. En tombant sur celui annonçant la sortie prochaine de ce disque, je m'étonnais que ce "vieux groupe ringard de rock" existait encore... Pourtant, bizarrement, je ne me faisais pas du tout cette réflexion pour Judas Priest (certes, il y a quelques années d'écart, mais pas tant...). Voilà, cette petite anecdote résume bien ce que représentait ce groupe il y a un peu plus de 25 ans (cela ne s'est guère arrangé depuis, je vous rassure...). "Abandon", c'est son nom, encore une fois issu d'un jeu de mot foireux ("A band on"). En plus, on peut dire que niveau jeux de mots, ils étaient inspirés (à défaut de l'être pour la musique...) avec des titres de morceaux comme "Whatsername", "Any ful kno that" ou la reprise, inutile, du "Bloodsucker" d'"In rock" qui donne ici "Bludsucker" (ok, là, ils ne se sont pas foulés...). A nouveau, comme sur "Purpendicular" sorti deux ans plus tôt, Deep Purple nous ressort le même rock convenu, pas déplaisant mais sans être transcendant, sans prise de risque, avec de belles mélodies et quelques bons moments, au milieu d'un désert vide de créativité. "Abandon" est un album qui n'apporte rien. On nous ressert ce bon vieux rock avec d'excellents musiciens. On ne peut pas dire que le disque soit foncièrement mauvais. Il y a du groove, le disque est même rythmé avec du rock/hard rock pour se rappeler que "quand même, Deep Purple, c'est pas de la guimauve !" (pour le coup, l'album dans sa globalité est plus agressif que son prédécesseur - "Watching the sky" fait même penser à du Ozzy Osbourne avec Zakk Wylde à la guitare), avec des mid-tempos bluesy où Steve Morse peut s'y donner à cœur joie comme sur "Don't make me happy". Justement ce nouveau guitariste commence à poser sa propre patte, son propre son et son style qui convient très bien à ce Deep Purple has-been parfait pour les rockers quinquagénaires de l'époque, avec ce qu'il faut de petite agressivité, mais pas trop, et de technique, mais sans en mettre plein la vue. "Abandon", c'est cela, du rock inoffensif. Niveau mièvrerie, le pompon revient d'ailleurs à "Fingers to the bone" qui représente tout ce que je déteste chez eux. Aucun autre groupe n'aurait vraiment pu sortir un tel album, à la fois vide mais techniquement irréprochable. Tellement bien exécuté qu'on se dit à son écoute "ah oui, les musiciens touchent quand même, y'a pas à dire... c'est pas mal.... ouais.... mais bon, c'est plat". Allez, en étant gentil, "'69" est vraiment pas mal et remonte un peu le niveau. "Abandon", c'est l'album qui ne sert finalement qu'à une seule chose, donner un prétexte pour que le groupe reparte faire une tournée et ressortir une n-ième version de "Smoke on the water". On le sent que Deep Purple se fait plaisir, c'est gentillet, l'album fait le taff, ce n'est pas nul et ça permet de garder le groupe vivant et de continuer son petit bonhomme de chemin. Et non, contrairement à ce que le titre pourrait paraître, le groupe ne va pas abandonner maintenant (oui, moi aussi je peux faire des vannes pourries !)