2 Bal 2 Neg' › 3x plus efficace

En préparant cette chronique, j’ai malheureusement appris des choses qui ne vont sans doute pas attirer les lecteurs réticents vers le rap. Alors qu’il était en pleine ascension, en intégrant notamment le collectif Bisso Na Bisso (vu à la TV), Landry Mahoukou, la moitié des 2 Bal Niggets avec son frère jumeau Frédéric et donc un quart du groupe ici présent, a été condamné en 1999 pour avoir cambriolé, séquestré et torturé façon C.I.A une mère et sa gamine. Un sacré palmarès qui m’a presque dissuadé de les chroniquer. Non pas que je sois très sensible au casier judiciaire des musiciens gutsiens mais là, c’est un bon cran au-dessus des habituelles affaires de came, de bastons voire d’homicides, fussent-ils motivés par l’idéologie ou une haine mal digérée. On voulait du gansta ? En voilà du vrai, du méchant, du pur crapuleux, du pas fréquentable. Finalement, c’est bien beau de dire du mal des mamans et des sisters, Doc TMC (ahah) lui, est passé à l’acte.

Si tu es encore là, on peut causer musique et ça part plutôt fort avec un sample de « Cargo culte » dès le premier vrai morceau. « La magie du tiroir » pose les bases d’un album qui aurait pu venir de New York tant il baigne dans ce boom bap sombre AOC. Pour la France de 1996, c’est fort et contrairement à Afro Jazz, ils n’ont pas reçu de renfort de poids lourds US au micro ou à la production, comme Showbiz ou ODB. C’est du fait maison, produit par les groupes franciliens très avisés Kilomaître et White & Spirit.
Après deux titres consacrés au milieu du rap, à l’underground et compagnie, il va falloir commencer à se boucher les oreilles sur « Gued1 » et son intro sexiste dégueulasse. Voilà, de nouveaux lecteurs de perdus. La plaie du rap français, c’est que tu comprends les paroles donc je pardonne toujours plus à N.W.A qu’à 2 Bal 2 Neg’, c’est ainsi. À leur décharge, cet album est une compilation de textes parfois anciens donc pouvant remonter jusqu’à l’adolescence des gugusses. On imagine les risques. Cela dit, les flows des quatre compères sont assez erratiques pour ne pas tout saisir et même s’ils peuvent paraître un peu gimmicks, ils collent bien à la sombrexitude des prods, façon Psycho Realm.

Je ne vais pas détailler tous les thèmes, surtout quand il n’y en a pas vraiment, comme sur le classique posse-cut « Labyrinthe ». D’ailleurs, le climax de l’album est atteint sur le duo « Poètes de la mort » et « Où est mon gang », aux thèmes plus abstraits donc plus détachés des visions tantôt naïves, tantôt bas-du-front de la réalité. Sur le premier, ambiance série B avec cette boucle inquiétante parsemée de samples de Mortal Kombat. Sur le second on tient l’un des meilleurs titres du rap français, au moins pour le son. Boucle piano-basse minimaliste parfaite, refrain à scander la gâchette en l’air, les ingrédients d’un classique. Ensuite, un peu d’ambiance jazzy histoire de parler de la nuit et du béton et c’est là qu’on va commencer à s’emmerder un peu parce qu’un album de rap, dans les années 90, même bien produit, c’est long si les paroles ne suivent pas. Heureusement, ces coquins relancent l’ambiance Gravediggaz sur « Lascars » et « Est-ce qu’on flingue » afin de sortir du trou d’air.
« À suivre » nous dit-on en fin de parcours ? Je ne vais pas remuer le couteau dans la plaie donc je vais juste lancer une punchline et un calembour, comme ça, pour conclure, à l’avenant : « Je sors mon épingle du jeu et puis te la rentre dans ton trou d’balle ». 2 Neg’ ?