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UHL/Karcavul › Cancer au Presbytère

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Dioneo      jeudi 15 décembre 2022 - 13:40

k7 • 5 titres • 25:49 min

  • A : UHL
  • 1Anywhere Out of the World3:57
  • 2Offerings to Melancholy2:10
  • 3Demonic Cult of the Damned1:39
  • 4Cursed3:25
  • B : Karcavul
  • 5Satanversmoinslinfini14:35

informations

line up

Chris Karcavul (C. (Karcavul ; voix), Cécile (UHL ; guitare, voix), Johan (UHL ; batterie) ; V. (Karcavul ; batterie), J. (Karcavul ; guitare)

chronique

UHL s'appellent UHL en « hommage » – en référence, plutôt – à un certain Jean Uhl, vieil abbé d'Alsace assassiné vers le milieu des années 90 par le curé de sa paroisse alors âgé de dix-huit ans. Lardé de trente-trois coups de poignard, pour préciser, son corps retrouvé sur le sol du presbytère (ah tiens...), un V. gravé sur la main avec la même lame – où va se loger le goût du symbolisme, hein... Le jeune assassin dira plus tard avoir été saisi d'un « flash satanique », pour expliquer son acte. Ah ! Et oui : les deux d'UHL (qui ne manquent donc plus dans le coin – comme ça elle est faite, c'est bon) disent quelque part que ça les a fait marrer, de s'appeler comme ça, "ULH-comme-dans-Jean-Uhl" . Voilà.

UHL, à part ça, crachent un black metal bien cru, bien rêche, bien... Trve ? Orthodoxe ? Sans doute. Avec tout ce que ça peut impliquer de balisé, tics-tiques de production, de jeu, de titres-clichés etc. ? Eh bien oui. Et là aussi, de leur propre aveu, sans complexe là-dessus – parce que pour ce coup-là, pour ce qu'iels ont à dire sous ce nom-là, ces « codes » là, l'imagerie, le son, les riffs, les blasts, ça leur va. Pas à chercher plus loin. La production sonne donc bien « nécro », sans que pour autant ça tourne à l'inaudible. Le spectre est maigre, serré, mais on entend tout – ça tape pile aux  « bonnes mauvaises places » dans l'oreille, dans cette optique bruit noir avec rythmique de chemin-de-fer (corrosion et piquetage et déformation pour foutre les wagons dans le décor et autre métaphores blablabla incluses). La voix se déchire dans les aigus comme une trace, un truc sale à travers un ciel sale. La guitare adopte le profil, le réglage d'amplis « hémorragie continue de caillasse », mélodies chromatiques, tristesse en modes mineurs et trémolo sans pause. La batterie réitère une fois de plus ce bon vieux paradoxe : que la tétanie puisse se faire mouvement, truc qui file. Du black, donc. Orthodoxe voire TRVE, en effet. Sauf que comme d'habitude chez UHL : là où ça devrait faire PLOF, ça prend. L'atmosphère est saisissante – l'intro en explosions, détonations lointaines réverbérées, vous fait « viens » et le riff cracra, la gueulante éraillée juste derrière, à l'abrupte, la densité cachée sous l'enregistrement lo-fi de la batterie vous chope et vous jette dedans – ou dehors, « n'importe où hors du monde », comme iels disent (avec l'autre poète, là, tout aussi en anglais). Il n'y fait pas bon, tout y est opaque et friable, l'air y croque la peau avec ses petites dents pointues en rangées innombrables et concentriques. Mais au moins il se passe ce truc qui vous a croché – par la gueule, l’œsophage, la tripaille, ce que vous aviez de plus exposé à ce moment là, ce qui vous met chaque fois dedans. Puis au vrai : codes ou pas, on se rend compte assez vite que ce n'est pas tant la question. Le truc est ajusté-faussé avec toute la précision et toute la marge de dégâts que permettent les outils choisis. (Le black tel que sorti tout cru de certains grands nords européens il y a vingt-cinq, trente ans de ça). Le sens très sûr – planqué/résurgent pile aux places qu'il faut, sous l'apparence du tout-d'un-bloc (ou d'une succession de blocs taillés à l'arrache, n'importe comment, qui commencent et finissent à des moments aléatoires, façon vieux Immortal et compagnie) – de la dynamique accidenté, des ruptures, ralentissements, emballements. Le goût des virages en épingle (dans le pif ou des parties charnues/minces plus sensibles ?) pas négociés mais tracés en breaks/redéparts à la fraction de seconde... Il paraît que ces deux-là jouent, ont joués aussi dans tout un tas de groupes hardcore, crust de leur coin (Dijon ou par là aux dernières nouvelles) ou d'ailleurs. Possible que ça leur vienne de là, que ça joue – cette tenue rythmique, le sens de cet aspect là du truc comme une respiration trop forte, gênée, encombrée, saturée mais qui infuse tout le machin d'une vraie vie, le sort – dès qu'on y a laissé traîné l'oreille, qu'elle a saisi ça – du catalogue d'images Panda-Black relocalisé. Ça lâche d'autres bêtes, de fait. (Là où les Loups vous emmènent ou commandent – Were the Wolves Lead – d'après le titre d'une de leur cassettes...). Des ours moins maquillés. Des anguilles sous la glace... ? Bref, je divague. Et eux finissent par un autre bout de bruit symphoniquement noyé, une outro d'ambiance érodée, abîmée, immergée. Dehors ! En face. Anywhere out.



Puis voilà : Karcavul. Autre chose. Pas de hasard sans doute – ou qui fait « bien » les choses – si les deux groupes se retrouvent dos à dos, d'un face à l'autre. Karcavul qui bave. Karcavul qui balance une seule plage – longue. Pas loin du quart d'heure. Avec ce calembour en guise de titres – satanversmoinslinfini. C'est con, ça, aussi. Mais assez juste au fond dans ce que ça décrit, dans ce que ça dit du groupe. Ça rampe vers le bas – en pente pas douce mais imperceptible parce qu'il faut que ça s'étende, donc, que ça prenne trop de temps pour rester rigolo. Enfin, ça ne l'est pas dès le départ, en fait – du côté sale blague du bidule ce n'est pas franchement l'aspect gaudriole du truc qui marque, qui reste, qui frappe. Black-doom-sludge-death etc., le mélange frelaté mais dosé comme ils ont toujours su faire pour bien niquer les récepteurs. Pas de samples de Pierre Bellemare comme sur leur Intersaône à venir (trois ans après ce split). A la place c'est un monologue déformé qui parle d'un infanticide, d'un meurtre de bébé, si j'ai bien entendu. Pour le reste, tout est déjà là, tout y était déjà sur la sortie précédente – Rawctaver. Pas agencé pareil – Karcavul ça ne progresse pas, au cour, ça choisit simplement de varier les formes, la taille des bouts soudés/cousus, les nuances dans la teinte, l'avancement, la matière première des pourritures, moisissures. Ça plonge les mains en avant dans le Mal – qui n'est pas une obscure et abstraite histoire de pacte avec un boss du plus bas niveau mais la pure et simple décomposition, la corruption du corps, sa douleur, les impacts qu'il se mange et les traces que ça lui laisse, les formes tiens, encore, que à lui imprime, modèle, sculpte en creux et boursouflures. Et « l'esprit » là-dedans qui souffle, renâcle, s'agite pour trouver la sortie ou l'entrée, qui déconne, le « moi », le « nous », la dissonance entre tout ça qui se donne en cadeau – méchant, pas mal informe mais finalement franc, qui là encore, à propos de vous foutre dedans/dehors, ne finasse pas pour rien au nom de l'art ou de Bataille ou Sotos ou Sade ou quoi. Karcavul : ça bouffe le moment, ça surcharge et ça élime le signal jusqu'au point de bascule où ça, où on n'est plus en mesure de « faire œuvre ». C'est en ça que ça fait son ouvrage – son office. Karcavul est passé, a dégobillé ce gros bout là de matière chaude et odorante, un autre avant, un autre après. Les mecs sont ensuite partis ailleurs – chacun, qui à la cambrousse pour dessiner, tatouer des gens, il me semble, qui dans d'autres groupes (pas moins radicaux et pragmatiques mais pas vraiment pareil, pour le chanteur), qui... Eh bien je ne sais pas, pour le troisième. Entré dans les ordres ou le corps médical ? Ça m'étonnerait un peu.



Je m'avise en me posant ces questions – ce que sont devenus chacun des Karcavul, pourquoi depuis que j'étais tombé là-dessus (ce split) je me suis mis à aimer de plus en plus le black d'UHL, alors qu'au départ j'avais failli passer vite sans insister... – que ça remonte à bientôt dix ans, cette cassette, au moment où je vous en cause. Je me réjouis de n'y entendre rien qui me clamerait que cette époque là, révolue, doit s'oublier, que ce qui en était sorti serait bien vieux, périmé. Ça ne se démode pas, ces champignons là. Ça ronge le vernis dès son plus jeune âge. Ça naît allergique aux tutos-tendances. Ce n'est pas que c'est sans âge ou que c'était sorti tout de suite, déjà vieux. C'est que toutes les époques vomissent leurs moisissures, s'en couvrent, se purgent par là, que celles et ceux qui les subissent se purgent par ça – c'est que ce que le « contexte », les variations de production (ou non-production), les traits caractéristiques du matos utilisé... passe avec ces machins-là sous le criant du nuage, des couches de parasites. Le tout – musiques porteuses et pseudo-floraisons – tellement chimiquement lié qu'on ne sait plus ce qui réplique quoi, de quand date le contour de la figure d'origine, ce qui était là le premier, ce qui empoisonne quoi. Pas de « mieux avant », pas de « mieux maintenant ». Le corps de l'abbé sur le sol en vieille pierre. L'industrie des armes blanches a peut-être changé – la composition de la lame avec laquelle le jeune abruti a fait le coup n'aurait peut-être pas été complètement la même une autre année, décennie, les procédés de fabrique avant la mise en vente. Ce serait resté, ça reste un poignard. Et le cadavre se serait mis, aussi vite, à sentir.

note       Publiée le jeudi 15 décembre 2022

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    born to gulo Envoyez un message privé àborn to gulo

    (Sinon, t'aimes bien Amon, d'Uhl ? "poum-tachaaa !")

    born to gulo Envoyez un message privé àborn to gulo

    Il faut ! C'est tellement à propos, pour du raw black, c'est l'Instinct du Poète-Pouët que nous sommes nous autres, ça...

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
    avatar

    Ah ah, ben pas volontaire celle là ! J'hésite à la garder...

    Note donnée au disque :       
    born to gulo Envoyez un message privé àborn to gulo

    Ouf ! J'avais peur que tu ne la fasses pas... "Tiques de production" en revanche, je l'ai pas vue venir, je suis jaloux.

    Message édité le 15-12-2022 à 13:45 par born to gulo