Dietrich Buxtehude (1637-1707) › Sonates en trio – Manuscrits d’Uppsala

Peut-être à cause de son nom pas latin pour un sou, Dietrich Buxtehude n’a pas souvent la faveur du grand public ni des amateurs de musique baroque à la petite semaine. Toutefois, comme en atteste la fameuse anecdote de Johann Sebastian Bach en mode groupie (le célèbre Kapellmeister avait posé des congés sur plusieurs semaines pour faire le voyage jusqu'à son idole), il n’en demeure pas moins un compositeur important de son époque, dont on connaît mieux les pages écrites pour l’orgue que celles de musique de chambre. Le Maître de Lübeck est en effet l’auteur de manuscrits composés dans la ville suédoise d’Uppsala, non pas destinés à faire mousser une quelconque cour royale (comme c’était plutôt l’usage en France) mais créés principalement pour occuper le temps de certaines familles marchandes et/ou bourgeoises, réunies autour des partitions comme on passerait son temps aujourd’hui devant son poste de télévision. La grande complexité de ces sonates, typiques de la musique d’Allemagne du Nord d’alors, laisse présager l’excellent niveau de maîtrise que pouvaient atteindre les roturiers les plus aisés, disposant du loisir de perfectionner la pratique de leur art en qualité d’amateurs avertis. Or, ces œuvres jamais éditées n’ont pas pu trouver leur public au XVIIe siècle ; la mission de l’ensemble La Rêveuse, emmené notamment par Benjamin Perrot au théorbe, est de restituer les couleurs et la substance spirituelle de ce répertoire presque oublié. Qu’il s’agisse de morceaux effectivement écrits par Buxtehude ou d’autres œuvres bien moins connues, on ressent la passion qui anime les musiciens pour faire parler la virtuosité poétique de cette musique où l’idée – pourtant subjective – de "beauté" est omniprésente, voire prend tout son sens. La recherche pluridisciplinaire (en particulier dans le domaine de la peinture) et la passion communicative de Florence Bolton contribuent à assurer le rôle essentiel de la viole de gambe dans l’équilibre de cette formation, puisque l’écriture de Buxtehude diffère du trio à l’italienne (deux violons et une basse continue). Pour ne rien gâcher, l’excellente prise de son permet de profiter à plein de ces cordes baroques pleines de théâtralité qui, quelques siècles avant nous et chez les plus chanceux, devaient occuper les longues soirées d’hiver.